Les dictionnaires LGDJ - Dictionnaire des modes alternatifs de résolution des conflits - 1re - 297

É QUI TÉ
du droit des obligations de 2016-2018 (C. civ.,
art. 1303 et s.). Jusqu'à cette date, c'est en définitive
leur sens du juste qui permit à nos
magistrats d'élaborer peu à peu l'ensemble
des règles gouvernant l'action de in rem verso.
Et si le législateur les a reprises à peu près
telles quelles, c'est sans doute qu'il les a lui
aussi estimées équitables. Pour être paradigmatique,
cette hypothèse n'est cependant pas
la seule. L'ancien article 1135 du Code civil, repris
pour l'essentiel aujourd'hui par le nouvel
article 1194 du même code, encourage en effet
les juges à recourir prioritairement à l'équité
pour dégager de n'importe quel contrat des
droits ou des obligations susceptibles de modeler
au mieux les rapports entre les parties.
La jurisprudence ne s'en est pas privée qui a
su découvrir dans une multiplicité de contrats
des obligations de veiller à la sécurité des personnes
ou des biens, des obligations de célérité
ou de ponctualité, des obligations d'information
ou de conseil, etc. Même la célèbre
distinction entre obligations de résultat et
obligations de moyens ou la tout aussi fameuse
découverte de stipulations pour autrui
implicites dans certains contrats se recommandent
de cette équité qui est à la source
de toute authentique jurisprudence
(v. Sériaux A. et Lardeux G., Manuel de droit
des obligations,5e
éd., 2023, PUF, nº 56).
Dans d'autres situations, les auteurs de la règle
de droit, plutôt que de trancher eux-mêmes,
préfèrent s'en remettre « aux lumières
du magistrat » par un renvoi explicite à l'équité.
L'équité joue alors le même rôle qu'un
standard,c'est-à-dire une règle à faible détermination
seulement destinée à orienter la recherche
du juste par le juge. Notre Code civil
en comporte divers exemples. Une question
paraît-elle, au législateur, trop épineuse pour
donner lieu à une solution de principe ? Le
renvoi à l'équité lui permet alors d'accorder
aux juges toute latitude pour édifier eux-mêmes
les critères susceptibles de la résoudre.
L'article 565 du Code civil dispose ainsi que
« le droit d'accession des choses mobilières
appartenant à deux maîtres différents, est entièrement
subordonné aux principes de l'équité
naturelle ». Les rédacteurs du Code civil
se sont ici opportunément souvenus que, déjà
en Droit romain, cette même question de l'accession
en matière mobilière avait vu s'affronter
deux grandes écoles de juristes, les Sabiniens
et les Proculiens, entre lesquelles il eut
été quelque peu prétentieux de vouloir trancher.
De manière plus prosaïque, d'autres renvois
à l'équité se recommandent du refus de
fixer un critère général sur des questions éminemment
flexibles. Ainsi du mode de calcul de
l'indemnité à laquelle a droit l'indivisaire qui a
amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis
(cf. art. 815-13, qui dispose qu'« il doit lui en
être tenu compte selon l'équité, eu égard à
ce dont la valeur du bien se trouve augmentée
au temps du partage ou de l'aliénation »).
Dans la même veine, à propos de l'octroi d'une
prestation compensatoire en cas de divorce,
l'article 270 prévoit que « le juge peut refuser
d'accorder une prestation compensatoire si
l'équité le commande, soit en considération
des critères prévus à l'article 271, soit lorsque
le divorce est prononcé aux torts exclusifs de
l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation,
au regard des circonstances particulières
de la rupture ». Ici, la quête d'équité se
trouve pré-orientée par la loi dans deux directions
: celle, objective, des contributions respectives
des époux aux charges de la vie commune
pendant toute la durée de celle-ci (ex :
Cass. 1re
civ., 8 juill. 2010, nº 09-66186) ; celle,
subjective, des torts de l'époux à l'origine de
la rupture (ex : CA Montpellier, 5 févr. 2008 : AJ
fam. 2008. 395, obs. David). La solution comparable,
mais moins complète, que retenait l'ancien
article 280-1 du Code civil se recommandait
elle aussi de l'équité.
Quoi qu'il en soit, le recours à l'équité permet
çà et là de prolonger utilement la règle de
droit positif par l'édiction de nouvelles règles
par hypothèse mieux adaptées aux cas que
les juges sont appelés à trancher. Par les
principes qu'elle met en œuvre et par ses modes
de raisonnement, l'équité est ici synonyme
de droit naturel. N'est-ce point-là, d'ailleurs,
ce que l'article 565 du Code civil veut
signifier lorsqu'il invoque les « principes de l'équité
naturelle » ?
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