Les dictionnaires LGDJ - Dictionnaire des modes alternatifs de résolution des conflits - 1re - 78

AR B I T R AG E ( H I S T O I R E )
Parlement, plus haute juridiction royale, ce qui
lui permet par l'intermédiaire de ses juges à la
fois de contrôler les autres justices (seigneuriales,
municipales, ecclésiastiques...) et d'affirmer
sa supériorité de souverain. L'arbitrage
n'échappe pas à cette logique politique et il
est ainsi progressivement admis, au cours du
XIV
e siècle, au rebours du droit romain pourtant
suivi sur les autres points, que dans le
Royaume de France les sentences arbitrales
peuvent faire l'objet d'un appel (v. infra vº Arbitrage
(voies de recours)). En pratique les parties,
conseillées notamment par les notaires
qui recueillent alors les compromis et les sentences,
cherchent toutefois à se soustraire à
cet appel, par des promesses et clauses pénales.
Malgré cela la partie qui a succombé
pourra vouloir saisir le juge royal, d'autant
plus facilement qu'elle le sait accueillant.
Puis dans un second temps, à compter du milieu
du XVI
e siècle, la monarchie manifeste une
grande faveur pour l'arbitrage, sous l'influence
du chancelier Michel de L'Hospital qui aux côtés
de Catherine de Médicis mène une politique
générale de concorde. En matière de
justice, voulant « empêcher la naissance des
procès ou aussitôt qu'ils sont mus les éteindre
», il est à l'origine de l'édit de Fontainebleau
(août 1560) qui rend l'arbitrage obligatoire
entre parents pour le partage de leurs
biens et autres comptes, afin d'entretenir entre
eux « paix et amitié » ; également entre
marchands « pour fait de marchandises »,
dans le but là encore de préserver de bonnes
relations d'affaires. Le chancelier entend aussi
satisfaire les vœux des marchands qui réclament
une justice dédiée, et d'ailleurs trois ans
plus tard le Chancelier créera pour eux la première
juridiction consulaire à Paris, dont l'activité
rendra l'arbitrage moins utile même si les
marchands continueront d'y avoir recours.
Seul l'arbitrage obligatoire entre associés subsistera
dans l'ordonnance de 1673.
L'édit de Fontainebleau est-il appliqué ? L'on
constate en tout cas qu'en pratique les parties
usent alors de l'arbitrage suite à l'exécution
d'un contrat mais le plus souvent pour fixer
les limites de terres, pour partager leurs
biens, liquider des successions ou des
comptes entre associés. Ainsi comme dans
l'ancien droit romain l'arbitrage apparaît utile
lorsqu'il s'agit de mesurer, d'évaluer, de
compter. À Montpellier par exemple, ce sont
souvent les mêmes arbitres, par ailleurs
conseillers à la Cour des aides chargée du
contentieux fiscal, qui sont désignés pour leur
compétence technique, à une époque jusqu'au
XVIII
e siècle où les notaires n'ont pas encore
une maîtrise suffisante de ces opérations.
Mais l'arbitrage prive aussi la justice royale
d'une part du contentieux, d'une part de revenus
et peut sembler heurter l'autorité des juges.
À compter de la fin du XVI
e siècle ces derniers
ne vont plus l'accepter, dans le contexte
des guerres de religion où la Monarchie durcit
ses positions et où les juges des parlements
notamment refusent de se soumettre, appelant
à un partage du pouvoir. L'histoire de l'arbitrage
prend alors une nouvelle fois un tour
politique : le roi continue de défendre l'arbitrage,
à dessein contre les juges. Ainsi de Pussort
qui, parlant pour Louis XIV lors de la
préparation de l'ordonnance civile de 1667 répond
au Premier avocat général au Parlement
de Paris : « quand les parties se mettent en
arbitrage, elles choisissent chacune une personne
de confiance, pour faire valoir leur droit,
et pour ménager leurs intérêts : ce que l'on ne
peut pas dire des Juges. Il n'est pas à présumer
que les Arbitres trahissent leur ministère,
et qu'ils abusent de la confiance que leurs
parties ont en eux, pour favoriser la partie adverse
» (Procez verbal des conférences pour
l'examen des articles de l'ordonnance civile
de 1667..., 1709, Paris, p. 398).
En réaction les juges vont systématiquement
se déclarer compétents en matière civile au
mépris de l'édit de Fontainebleau et vont admettre
encore plus facilement l'appel contre
les sentences arbitrales, notamment en dispensant
l'appelant de toute peine. En retour
la pratique déploie alors un nouveau stratagème,
qualifiant les sentences de transaction
afin d'en empêcher l'appel.
78 * DI C T I O N N A I R E DE S M O D E S A L T E R N A T I F S D E R É S O L U T I O N D E S C O N F LI T S
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