Bibliothèque de droit public - Tome 327 - La stabilisation des contrats par le juge administratif de la validité - 86

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LA STABILISATION DES CONTRATS PAR LE JUGE ADMINISTRATIF DE LA VALIDITÉ
Au demeurant, l'irrecevabilité comme l'inopérance disqualifient le moyen avant
l'étape de vérification de son exactitude27
. La différence qui les oppose accentue
- paradoxalement - leur enchevêtrement. Le juge d'appel ou de cassation a en
effet intérêt, dans certains cas, à qualifier un moyen irrecevable de moyen inopérant
pour éviter de censurer la décision de justice qui a omis de répondre à un
moyen non recevable. L'inopérance « d'opportunité » séduit également les rapporteurs
publics, tentés de proposer à la formation de jugement de retenir l'inopérance,
afin de soustraire le moyen à l'obligation de motivation et alléger ainsi le
travail juridictionnel28
.
166. L'utilisation frénétique et casuistique de ces deux techniques préventives,
dans un même but (raffermir les limites du débat contentieux), a sacrifié leur
individualité. Les concepts de moyens inopérants et irrecevables sont galvaudés.
Les isoler n'est pas une tâche aisée. Pourtant, une définition se profile (§2).
§ 1. RÉfUTaTION DES ThèSES DOMINaNTES
167. Avant de nous essayer à l'exercice de définition, exposons les raisons
qui nous conduisent à délaisser les propositions formulées par d'éminents exégètes
de la jurisprudence. Toutes ne seront pas réfutées. Seules les deux thèses les
plus récentes et les plus abouties nous retiendront. Il s'agit de celle du professeur
A. Ciaudo, consacrée à l'irrecevabilité en contentieux administratif et de celle du
professeur F. Poulet, relative à l'inopérance des moyens. Ce sont ces monographies
qui renferment les définitions les plus mûres. Leur maturité ne garantit pas
qu'on y trouve ce qu'on y cherche. Les éléments constitutifs proposés par les
auteurs de ces travaux ne nous convainquent guère, qu'il s'agisse de ceux relatifs
aux moyens inopérants (a) ou de ceux intéressant les moyens irrecevables (B).
A. S'AGISSANT DE LA THÉORIE DES MOYENS INOPÉRANTS
168. La catégorie des moyens inopérants se démarque par l'hétérogénéité de
son contenu. Les causes de l'inopérance sont en effet plurielles. Le moyen peut
écoper de cette qualification, par exemple, parce qu'il vise les motifs de l'arrêt
rendu en appel et jugés surabondants29
, parce qu'il critique la violation d'une
,
norme inapplicable au litige en présence (que l'inapplicabilité soit matérielle30
27. « L'élimination du moyen inopérant ne doit pas être considérée comme l'équivalent d'un
rejet au fond. Le juge en effet ne va pas procéder à un examen au fond du moyen », Auby (J.-M.),
art. préc., p. 6 ; Lafaix (J.-F.), Essai sur le traitement des irrégularités dans les contrats de
l'Administration, Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque de Thèses », 2009, vol. n° 87, p. 98, §97, le
moyen « est déclaré inopérant in abstracto » ; en ce qui concerne le moyen irrecevable, Ciaudo
(A.), Th. préc., p. 115 s.
28. Cassia (P.), art. préc., p. 2377 ; Cantié (C.), Invocabilité des manquements dans l'instance
précontractuelle : des précisions sur les « devoirs » du juge et des parties, JCP A., 2010, étude n° 2048,
p. 22, §13.
29. Par ex., CE, 6 janv. 1967, ville d'Elbeuf, Rec., p. 1 ; CE, 19 mars 2010, Chotard, Rec., p. 81.
30. V., not., CE, 21 oct. 1970, Sieur Mansillon, Rec., p. 608 ; CE, Sect., 8 janv. 1982, Lambert,
Rec., p. 17 ; CE, 30 mars 1994, Assoc. de défense de la Cinq, Rec., p. 174 ; CE, 9 oct. 1996, Assoc. « Ici
et maintenant », Rec., p. 401 ; CE, 11 janv. 2002, Union sociale des affaires sociales C.G.T., Rec., p. 2 ;
CE, 9 nov. 2005, Altun, Rec., p. 494 ; CE, 6 fév. 2006, Cne de Lamotte-Beuvron, Rec., p. 61 ; CE,
25 nov. 2009, Cne de Mer, Rec., p. 472 ; pour un cas d'inapplicabilité de la norme au litige, faute pour
celle-ci d'avoir acquis, au jour où le juge tranche, une valeur juridique supérieure à l'acte contrôlé, CE,
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