Bibliothèque de droit social - Tome 81 - Le juge et l'accord collectif de travail - 59

L'INTERPRÉTATION JUDICIAIRE DE L'ACCORD COLLECTIF : PERSPECTIVE INTERNE
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le sens du texte à retenir est celui que les parties ont entendu lui donner ou celui
résultant de sa lettre à l'époque de sa rédaction »77
. Et l'auteur ajoute que la note
explicative jointe à l'arrêt du 23 octobre 2015 en témoigne. Selon la note, « l'interprétation
de la convention collective au moment de son application ne doit pas
avoir pour effet d'en modifier la portée, ni de lui conférer une utilité en remplacement
de celle qu'elle présentait lors de sa conclusion et qu'elle a pu perdre par
suite de l'évolution législative et jurisprudentielle ». Grégoire Loiseau en déduit
qu' « [i]l faut comprendre par là que l'interprétation de l'acte ne doit pas être le
moyen de le faire évoluer pour l'adapter à un contexte ayant lui-même changé
depuis son adoption. Peu importe l'ancienneté des dispositions conventionnelles :
le pouvoir du juge se limite à dégager le sens du texte lorsque celui-ci n'est pas
clair et précis. La révision de l'acte est et demeure de la seule compétence des parties.
». Selon Frédéric Géa, cet élément explicatif apporté par la note « traduit
l'idée selon laquelle le juge doit veiller à préserver la signification que les signataires
de la convention collective avaient (ou ne pouvaient qu'avoir) en vue, au
regard du contexte normatif de l'époque », et qu'il s'agit là en réalité d'une
reconstruction objectivée de l'intention des partenaires sociaux78
. Parmi les modes
d'interprétation, l'intention des parties aurait donc une véritable centralité...
Les commentaires de l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation
le 25 mars 202079
dévoilent une réception doctrinale plus critique du guide
établi par la Cour de cassation. Si l'opportunité de délivrer un guide éclairant les
juges du fond dans leur opération interprétative n'est pas remise en cause, il ressort
des écrits qu'une telle systématisation présente nécessairement des défauts.
La hiérarchisation des directives d'interprétation, leur subsidiarité, est mise en
question, l'analyse de l'arrêt du 25 mars 2020 témoignant d'ailleurs d'un écart
entre la méthode affichée par la Cour et l'interprétation effectivement opérée80
.
Jean-Yves Frouin met en ce sens en avant que les juges procèdent à une combinaison,
une application complémentaire plutôt que successive81
sur la nécessaire casuistique, les juges usant d'une marge de manœuvre dans la
mise en œuvre des directives d'inteprétation, voire s'en émancipant au gré des
espèces et des arguments en jeu82
Géa présente une analyse déconstruisant la position affichée de la Cour de
77. G. Loiseau, « Guide de l'interprétation des conventions et accords collectifs », Cah. soc.
mars 2016, n° 118b0, p. 167.
78. F. Géa, « Des accords (collectifs) sans juge ? », op. cit.
79. Cass. Soc., 25 mars 2020, n° 18-12.467, F. Bergeron-Canut, « Interprétation de la convention
collective nationale des agents de direction des organismes de sécurité sociale du 25 juin 1968 », BJT
mai 2020 p. 40 ; Q. Urban, « Ce que dit le texte, ce que fait le juge », RDT 2020, p. 476.
80. Voir notamment en ce sens : F. Bergeron-Canut, « Interprétation de la convention collective
nationale des agents de direction des organismes de sécurité sociale du 25 juin 1968 », BJT mai 2020
p. 40 ; J. Y. Frouin, « Sur les règles d'interprétation d'un accord collectif de travail », BJT juin 2020,
n° 113s4, p. 7 ; E. Peskine, « Quelques observations sur l'interprétation judiciaire des accords
collectifs », RDT 2021, p. 118 ; F. Géa, « L'interprétation des convention et accords collectifs - Une
question à reconsidérer », RJS 11/20, p. 771.
81. J. Y. Frouin, « Sur les règles d'interprétation d'un accord collectif de travail », BJT juin 2020,
n° 113s4, p. 7.
82. E. Peskine, « Quelques observations sur l'interprétation judiciaire des accords collectifs »,
RDT 2021, p. 118. « En définitive, en même temps qu'elle grave dans le marbre les méthodes
d'interprétation des accords collectifs, la Cour de cassation s'en émancipe, parfois, au gré des espèces,
sans doute prise en tenaille entre différentes considérations, tel le souhait peut-être de ne pas délaisser
totalement la recherche de l'intention commune des parties, de prendre en considération les
conséquences financières de l'interprétation retenue, etc. ».
. Plus loin que ces nuances et recadrages, Frédéric
. Elsa Peskine insiste
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