Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°4-2022 - 75

CHRONIQUE INVESTISSEMENTS
2. Les contestations visant les représentants des sociétés
demanderesses
15. Du côté de l'opérateur économique, il faut rappeler que la plupart des traités
d'investissement prévoient la subrogation du garant en cas de mise en œuvre d'une
garantie. À titre d'exemple, l'article 9 du TBI France / Argentine de 1991 prévoit
que « Si l'une des Parties contractantes, en vertu d'une garantie donnée pour un
investissement réalisé sur le territoire ou dans la zone maritime de l'autre Partie,
effectue des versements à l'un de ses investisseurs, elle est, de ce fait, subrogée dans
les droits et actions de ce national ou de cette société, en particulier ceux définis à
l'article 8 du présent Accord [qui est relatif au règlement des différends] ». Au-delà
du jeu d'une garantie, il peut y avoir cession de l'investissement ou de la réclamation
arbitrale à un tiers. Dans ce dernier cas, il y a un changement du titulaire du droit
de réclamer, mais les conditions encadrant ce droit de réclamer restent les mêmes,
quand bien même cédant et cessionnaire ne possèdent pas les mêmes nationalités.
16. L'hypothèse qui nous intéresse ici est différente. Il n'y a pas de débat
sur l'identité des demandeurs, mais des individus différents prétendent être les
seuls habilités à les représenter devant le tribunal arbitral alors qu'une procédure
collective nationale affecte l'investissement. Deux tribunaux CIRDI ont récemment
été confrontés à cette situation dont on peut trouver surprenant qu'elle n'ait
pas émergé plus tôt dans la pratique arbitrale. Ici encore, la question de la
représentation des sociétés demanderesses dans une procédure arbitrale peut être
considérée comme relevant de la compétence résiduelle du tribunal ou du comité
ad hoc au titre de la conduite de la procédure. Reste alors la question des règles
applicables qui ne peuvent pas être les mêmes que pour identifier les représentants
de l'État : le demandeur est le plus souvent une personne morale de droit privé,
dont la personnalité juridique relève non pas du droit international, mais du
droit interne d'un État, qu'il s'agisse de l'État hôte de l'investissement ou d'un
État tiers. Les deux décisions à l'examen soulignent néanmoins le rôle du droit
international et consacrent un principe de continuité de la représentation d'une
société demanderesse (a). La portée de ce principe doit toutefois être relativisée à
la lumière de la décision AS Banka, la plus récente, qui soulève des interrogations
au nom de la sauvegarde de l'intégrité de la procédure arbitrale (b).
a) La consécration limitée d'un principe de continuité
de la représentation
17. La première affaire Carnegie c/ Gambie concernait un différend contractuel
relatif à une licence minière. La question de la représentation de la société
demanderesse fut posée au moment du recours en annulation par l'État défendeur,
alors que la société incorporée localement avait été mise en liquidation judiciaire.
Le cabinet d'avocats ayant représenté la société devant le tribunal CIRDI affirmait
que l'autorisation donnée par le conseil d'administration de la société en vue de
la représenter au début de la procédure arbitrale lui permettait de continuer à la
représenter devant le comité ad hoc. À l'opposé, la Gambie arguait que depuis la
mise en liquidation de la société par les tribunaux gambiens, seul le liquidateur
était compétent pour la représenter en vertu du droit gambien. La question est
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