Les Intégrales - Droit pénal médical - 2e - 165

Cha p i t r e 1 - L a p r ot e c t i on de l a v i e e t d e l ' in t é g r it é c o r p o r e lle du ma la de
fait principalement mourir. C'est là un élargissement de la permission de la loi justifiant
la mort du malade, l'animus necandi permettant toujours de sanctionner pénalement les
excès au titre des qualifications pénales d'empoisonnement ou d'assassinat lorsque la
volonté emprunte une logique de mort et non celle de soulager les souffrances. Ce relâchement
de l'interdit pénal se révèle encore de manière insidieuse dans la loi par la
substitution d'un article défini à un adjectif possessif ; le médecin pouvant en effet
répondre à la souffrance réfractaire en mettant en place des traitements qui peuvent
avoir pour effet d'abréger la vie et non plus sa vie (au malade) comme l'indiquait
l'ancien texte. On passe ainsi d'une logique personnelle et singulière de fin d'une vie à
une logique plus abstraite fixée sur la vie en général. En définitive, s'il est certain que
dans cette hypothèse le malade a consenti à sa fin de vie provoquée par le médecin, il
semble difficile cependant de voir dans ce consentement un fait justificatif à lui seul
car la permission de la loi est en arrière-plan.
b- L'autorisation de la loi
235 Fin de vie et état d'inconscience. - On a déjà souligné que c'est la loi qui autorise le
médecin à porter atteinte à l'intégrité physique ou à la vie d'un malade sans être
condamné pour violences ou homicide volontaire lorsque le cadre légal de l'acte médical
est respecté28
. Et il vient d'être observé qu'au regard de la fin de vie, au-delà du consentement
de la personne, c'est bien la loi qui autorise le médecin à laisser mourir ou à faire
mourir. Mais il est une autre hypothèse où le praticien peut parvenir à ce même résultat
sans même s'appuyer sur le consentement du malade, de sorte que la justification pénale
de la mort repose ici exclusivement sur la permission de la loi. Il s'agit du cas où le
patient ne peut pas exprimer sa volonté au titre du refus de l'obstination déraisonnable
mentionnée à l'article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique. En pareille circonstance,
nul consentement du malade ne peut se manifester. Le législateur de 2016 autorise
pourtant le médecin à limiter ou arrêter un traitement inutile, disproportionné ou
n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne29
.
On objectera que la loi ne permet au médecin de laisser mourir qu'après avoir respecté
une procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et non sans avoir
consulté la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas
échéant, les directives anticipées de la personne devenues, sauf exception, obligatoires
depuis la loi du 2 février 201630
. Il y aurait ainsi la manifestation d'une certaine volonté
ne serait-ce qu'indirecte. Mais outre qu'il s'agit de consultation et non de consentement,
on peut être réservé à l'idée qu'une personne, fût-elle de confiance ou proche, exprime
réellement la volonté du malade et non la sienne ainsi que l'a tristement montré l'affaire
Vincent Lambert. Et même les directives anticipées qui indiquent les souhaits de la
personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l'arrêt de
traitement peuvent s'avérer artificielles car il est possible qu'elles soient exprimées longtemps
avant la fin de vie et dans des circonstances bien différentes de celles du moment
présent.
Quoi qu'il en soit, c'est ici la loi qui autorise seule le corps médical à laisser mourir et
même à faire mourir puisque le législateur permet l'usage de la sédation profonde y
compris lorsque le patient est inconscient dès lors qu'il sauvegarde la dignité du
mourant et assure la qualité de sa fin de vie31
. Cette justification pénale est loin d'être
symbolique et théorique car, malheureusement, la fin de vie est une réalité quotidienne,
et les hypothèses de malades inconscients n'ayant pas élaboré de directives anticipées et
(28) V. supra nº 123 et s.
(29) CSP, art. L. 1110-5-1.
(30) CSP, art. L. 1110-11.
(31) CSP, art. L. 1110-5-2 al. 4.
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