Les Intégrales - Droit pénal médical - 2e - 492

DROIT PÉNAL MÉDICAL
de sorte que le plus souvent ce sont les peines prévues pour l'infraction non aggravée qui
sont encourues par les praticiens.
Le juge pénal n'est guère enclin également à recourir aux peines complémentaires alors
que l'on pourrait penser qu'elles ont naturellement vocation à être prononcée en cas de
manquement à la probité commis par un médecin. Or, parmi toutes les peines complémentaires
possibles220
,l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, voire la
fermeture d'établissement ou l'affichage ou la diffusion de la décision, peuvent présenter
un intérêt certain en cas de condamnation d'un médecin. La jurisprudence fait ainsi état
de manière récurrente d'affaires dans lesquelles les médecins escrocs sont punis à titre
complémentaire d'une peine d'interdiction d'exercer soit définitive, par exemple si le
médecin est récidiviste221
, soit à temps222
. Il est bien évidemment enfin possible de poursuivre
le médecin escroc au titre de la tentative d'infraction ou de la complicité en application
du droit commun, notamment au titre de la complicité par aide et assistance
lorsque, par exemple, un médecin signe un grand nombre d'ordonnances délivrant des
produits à base de testostérone, au profit de patients qu'il n'examinait pas, à des fins
autres que thérapeutiques, et les remet à un tiers permettant à ce dernier d'utiliser frauduleusement
le tiers payant dans les pharmacies où il retirait ces produits avant de les
revendre avec un bénéfice important223
.
772 Remises successives. - Dans la mesure où l'escroquerie est une infraction complexe
mais instantanée, le point de départ de la prescription de l'action publique se situe en
principe au jour de la remise. Mais la jurisprudence a admis de longue date qu'en cas
de remises successives, la prescription ne commence à courir qu'à la date de la dernière
remise, ce qui permet de poursuivre des agissements qui se situent bien au-delà de la
dernière remise. Cette jurisprudence s'est appliquée en droit pénal médical et elle est
fort utile dans toutes les hypothèses, nombreuses en pratique, où le médecin est poursuivi
au titre d'actes médicaux fictifs ou de cotations erronées d'actes professionnels.
Dans ces situations, il est fréquent que les tromperies commises au préjudice des
caisses de sécurité sociale s'échelonnent dans le temps. Elles peuvent parfois durer des
années avant qu'un médecin-conseil ne découvre la supercherie. Il est alors possible, en
application de la jurisprudence précitée, de considérer que l'ensemble des manœuvres et
des remises constitue un tout indivisible, ce qui permet de poursuivre le médecin lorsque
les faits sont découverts plus de trois ans après la première remise. C'est cette interprétation
qui fut retenue à l'occasion de l'affaire du Mediator® qui aboutit à la mise en
examen de différents laboratoires, dont les laboratoires Servier ainsi que de son directeur
opérationnel, notamment du chef d'escroquerie. Les faits litigieux s'étant déroulés sur
une période de temps très longue, la question de la prescription de l'action publique fut
évoquée. Pour rejeter cette dernière la haute juridiction s'est fondée sur la dernière
remise constitutive du délit, à savoir la date de retrait de l'autorisation de mise sur le
marché de la molécule ; le dernier remboursement ayant donc eu lieu au plus tard à
cette date, les faits n'étaient en conséquence pas prescrits à la date du réquisitoire
supplétif du chef d'escroquerie224
.
2 - La tromperie du Code de la consommation
773 Chassez l'intrus. - L'on peut s'étonner a priori d'évoquer dans un ouvrage de droit
pénal médical une qualification issue du Code de la consommation. L'on peut même
(220) C. pén., art. 313-7.
(221) Cass. crim., 6 mars 2019, nº 18-80018 ; 8 sept. 2020, nº 19-85407.
(222) Souvent deux années d'interdiction, Cass. crim., 20 nov. 2018, nº 17-81672.
(223) Cass. crim., 5 janv. 2017, nº 15-86181.
(224) Cass. crim., 2 févr. 2016, nº 15-84356, RSC 2016, p. 356, note P. MISTRETTA.
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