Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 162 - Le refus du mandat impératif en droit constitutionnel français - 48

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LE REFUS DU MANDAT IMPÉRATIF EN DROIT CONSTITUTIONNEL FRANÇAIS
En outre, et même s'ils ont déjà le sentiment d'appartenir à des classes différentes et
qu'ils sont consultés très distinctement par le Roi, ecclésiastiques et laïques ne sont
pas convoqués par lui en tant que clercs ou nobles mais en tant que vassaux en vertu
de l'obligation de fidélité qu'ils doivent à leur seigneur. Les bourgeois, représentants
des « bonnes villes » dotées de privilèges, sont quant à eux convoqués mais à part,
dans le cadre de réunions locales organisées par le Roi pour recueillir leurs conseils.
56. Pour la plupart des historiens, ce qui caractérise les premiers États généraux
est en quelque sorte la fusion de ces deux types de réunions en une seule. En 13028,
pour la première fois, sont réunis simultanément les trois États du royaume sur convocation
de Philippe le Bel pour résoudre son différend avec le Pape Boniface VIII à
propos de l'indépendance du pouvoir royal9.
Pour Philippe Sueur pourtant, la réunion de 1302 est perçue à tort, par tradition,
comme la première réunion des États généraux10.Cen'est selon lui qu'en 1314 qu'ils
naissent vraiment car c'est à cette date que l'Assemblée sort de son rôle d'appui moral
et de conseil pour délibérer vraiment sur des impôts et des affaires graves. Pour l'historien
Jean Favier, cette première réunion de 1302 ne fait également qu'annoncer les
États généraux car aucune des assemblées consultées n'est élue. Il s'agit seulement de
convocations par le Roi sans que leurs prérogatives ne soient définies, ce qui en fait
plutôt un Conseil élargi11.L'élection est pour lui le critère de reconnaissance des États
généraux. Jean Favier semble toutefois ensuite changer de critère en plaçant leur origine
en 1343, lorsque le Roi sent pour la première fois qu'il a besoin, non plus seulement
de conseils, mais d'un véritable consentement pour lever l'impôt sur les transactions
et pérenniser la gabelle du sel. La création des États généraux est alors liée à
la nature des questions posée en leur sein, comme chez Philippe Sueur mais à une
date différente. Georges Picot, dans sa fresque en quatre volumes sur cette institution,
commence son étude en 1302 mais exclut de ce type de réunion l'assemblée de 1382,
considérant que toutes les provinces n'avaient pas pris part au mouvement12.
Nous admettrons sans trop prendre de risque que les États généraux naissent au
moment où l'impôt non consenti par le peuple devient signe d'arbitraire et de tyrannie
et lorsque le Roi a face à lui des interlocuteurs sérieux. Mais il faut admettre qu'il
n'est pas possible d'être plus précis. Consultation d'un conseil, réunion des trois
ordres, élection, légitimité pour consentir à l'impôt, réponse à des questions uniquement
politiques ou féodales ou consultation de l'ensemble des baillages, le critère qui
permet de qualifier cette assemblée d'États généraux n'est pas net. La pratique des
mandats impératifs associée à cette institution devient nécessairement complexe à
dater, par ricochet.
57. Les historiens s'accordent en revanche sur le constat d'une évolution des
États généraux à travers la généralisation de l'élection, qui semble s'être imposée
8. GLASSON Ernest Désiré, Histoire du droit et des institutions de la France. La féodalité (suite).
Les communes et les autres villes, l'Eglise, la royauté, t. 5, Paris, Pichon, 1893, p. 412.
9. Il semble qu'en juin 1190, Philippe Auguste ait déjà fait appel à quelques prud'hommes bourgeois
de Paris pour assister ses conseillers habituels clercs et notables (OLIVIER-MARTIN François, Les ordres,
les pays, les villes et communautés d'habitants, Paris, Loysel, 1988, p. 45.)
10. « La tradition veut y voir avec excès la première tenue des États généraux » (SUEUR Philippe,
Histoire du droit publicfrançais, XVe-XVIIIe siècle : la genèse de l'État contemporain, t. 1, La constitution
monarchique, Paris, PUF, 1989, p. 241.)
11. FAVIER Jean, Dictionnaire de la France médiévale, Paris, Fayard, 1993, p. 393.
12. PICOT Georges, Histoire des États généraux...,t. 1, op. cit., p. 248.

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