Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 162 - Le refus du mandat impératif en droit constitutionnel français - 70

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LE REFUS DU MANDAT IMPÉRATIF EN DROIT CONSTITUTIONNEL FRANÇAIS
Pourtant, l'élection aux États généraux donnait au mandataire la mission de représenter
un groupe plus large et plus abstrait que ses électeurs, les électeurs, la circonscription
ou le baillage, et surtout incapable de mandater. Jacques Cadart affirme que « peu
à peu, en effet, avec le déclin des institutions féodales, l'idée se fera jour que les
membres des deux premiers ordres représentent moins leurs sujets que les intérêts
de leurs classes, contrepartie de leurs devoirs propres131 ». Alors que quelques pages
avant, ils représentaient selon lui leur circonscription, les voici représentants de leur
classe. La même idée est partiellement introduite par Philippe Sueur qui affirme que
juridiquement, les élus des États généraux représentent « uniquement les électeurs et
leur corps132 ».
92. Selon nous, le représenté est l'ordre. « Ils n'étaient que les mandataires des
trois ordres qui composent la nation » nous dit Maurice Hauriou133.C'est évoqué également
par Pierre Dandurand, qui voit dans le triomphe du système électif comme
mode de désignation des députés l'amorce de la représentation de l'ordre dans son
ensemble et non plus simplement de son mandant comme dans le cadre des procurations
des États généraux précédents, où les membres sont certes distingués selon leur
ordre mais ne représentent que les personnes qui les ont désignées134. Le mandat est
désormais donné par quelques-uns de représenter un ensemble plus grand. Il y a ainsi
représentation par le député de la noblesse de tel baillage, du clergé de tel baillage, du
Tiers état de tel baillage. Contrairement à ce qu'affirme Adhémar Esmein pour décrire
les États généraux, ce n'est pas « le baillage qui s'y faisait représenter par les députés
de ses trois ordres135 » mais l'ordre qui s'y fait représenter par les députés des baillages.
Le député une fois désigné, n'a plus seulement à respecter la volonté de ceux qui
lui ont confié le cahier de doléances, comme l'exige la définition du mandat impératif
assimilé au mandat civil. Il représente les intérêts d'une entité intermédiaire qui n'est
pas encore le royaume dans son intégralité, encore moins la nation telle qu'elle sera
entendue par les Révolutionnaires, mais qui n'est déjà plus seulement celui qui lui a
confié son mandat comme dans le cadre des premières procurations.
Cette représentation de l'ordre peut d'ailleurs être déduite de la forme des cahiers
présentés au Roi à la fin de la procédure et dont la fusion maintient la division en
ordres et non pas en circonscriptions électorales, puisque trois cahiers seulement lui
sont présentés. La représentation de l'ordre finit même par faire dire aux députés que
c'est l'ordre qui a mandaté les députés. C'est également ce que les débats parlementaires
de 1789 révèlent. L'article 43 du règlement du 24janvier 1789, par lequel le Roi
fait savoir quand et comment devaient être rédigés les cahiers, dispose que « chaque
ordre rédigera ses cahiers et nommera ses députés séparément ». La liste des noms et
qualités des députés à l'Assemblée nationale les distingue certes par baillage pour
suivre un ordre alphabétique mais dans chaque baillage par ordre. Les députés gênés
dans l'ancienne France : le député, simple mandataire du baillage, ne représentait aux États généraux que le
baillage qui l'avait délégué. » En effet, le baillage n'étant pas une personne juridique capable de contracter,
donc d'être le mandant du contrat, il n'y a pas de mandat possible.
131. CADART Jacques, Le régime électoral des États généraux, op. cit., p. 35.
132. SUEUR Philippe, Histoire du droit public français..., op. cit., p. 243.
133. HAURIOU Maurice, Principes de droit public à l'usage des étudiants en licence (3e
en doctorat ès-sciences politiques,2e éd., Sirey, 1916, p. 443.
134. DANDURAND Pierre, Le mandat impératif, op. cit., p. 12.
135. ESMEIN Adhémar, Éléments de Droit constitutionnelfrançais et comparé, op. cit., p. 480.
année) et

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