Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 162 - Le refus du mandat impératif en droit constitutionnel français - 93

LES MANDATS IMPÉRATIFS, RELAIS D'UNE SOCIÉTÉ DIVISÉE
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cahyers qu'ils besongnassent hardiment et pour le bien de la chose publique du dict
royalme, et que le roy leur donnoit liberté et franchise de dire et ouvrir ce qu'ils veiroient
estre à faire pour le bien d'icellui royalme.227 » Enfin, il n'y a pas dans ce rapport
de signe qui démontre que l'élu redoute quoi que ce soit de son auditoire. Que
pourrait-il redouter d'ailleurs, puisque la réunion est close et que l'élu n'est plus
député pour rien ?
125. Voilà donc un déroulement bien peu conforme à la description du mandat
impératif contraignant qui bloquerait tout esprit délibératif et enchaînerait les élus à
leurs cahiers. Cette description témoigne bien de la manifestation d'une certaine
liberté des élus qui se sont sentis investis d'une mission confiée par le peuple et
sont considérés comme tel par les électeurs et le Roi. En 1484, le mandat impératif,
entendu comme lien avec ceux dont les députés tenaient leurs pouvoirs, pouvait être
contourné par la revendication admise par tous d'une représentation populaire. Il est
admis, de la convocation à la clôture des États généraux qui voit le retour des députés
dans leurs baillages, que ces derniers étaient représentants d'une entité plus grande
que leurs ordres et qu'à ce titre, ils disposaient d'une certaine liberté d'action.
Pourtant, Paul Viollet refuse de voir dans les États généraux de 1484 une première
trace de la représentation qui s'imposera trois siècles plus tard ou, comme Jacques
Cadart, un vestige des États particuliers bien plus conscients de l'intérêt du pays
que de celui de leurs ordres. Paul Viollet refuse de prêter aux hommes des « aspirations
qui ne sont pas de leur siècle228 ». Selon lui, la réunion de ces États généraux est
une manœuvre de Charles VIII, sans doute inspiré par la fille de Louis XI, qui semble
avoir hérité de l'esprit tactique de son père229, pour dissoudre les plaintes de la
noblesse, qui a le plus souffert du dernier règne, dans les revendications des bourgeois.
Comme Jacques Krynen l'écrit, il faut se garder de « la fièvre
romantico-libérale230 » qui a saisi les auteurs du XIXe
siècle en accordant à cette réunion
la qualité de représentation nationale. Il rappelle en effet que la plupart des députés
étaient en réalité bien plus préoccupés par leurs contingents d'impôts et donc par
les privilèges accordés par leurs ordres, souci plus présent dans les discours que l'esprit
du discours de Pot en réalité largement minoritaire.
126. Présenté comme un monument d'éloquence à l'accent révolutionnaire, ce
discours lui-même doit être examiné. Hélène Bouchard, dans un article publié dans
les Annales de Bourgogne en 1950, propose une hypothèse à contre-courant de ce qui
s'écrit sur ce discours puisqu'elle remet en question la sincérité même de son auteur.
Il est plausible selon elle que Philippe Pot ait été un agent informateur clandestin
d'Anne de Beaujeu, en réalité plus attaché aux privilèges de son rang qu'à la défense
d'une quelconque représentation populaire. Dans quel intérêt tenir un discours partisan
du pouvoir des États dans ce cas ? Selon l'auteure, et la thèse de Paul Pélicier sur
227. Mémoires et dissertations sur les antiquités nationales et étrangères, t. 16, Au secrétariat de la
société, 1842, p. 499.
228. VIOLLET Paul, « Élection des députés aux états généraux réunis à Tours en 1468 et en 1484 »,
op. cit., p. 57.
229. Lorsque le roi cherche à réunir le clergé et le peuple dans les comices électoraux en 1468, il
s'agissait déjà selon Paul Viollet d'une manœuvre de Louis XI pour amoindrir l'influence du clergé qui lui
faisait ombrage en le fondant parmi les gens du peuple.
230. KRYNEN Jacques, « La représentation politique dans l'ancienne France : l'expérience des États
généraux », op. cit., p. 38.

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