Hors collection - Réforme du statut de l'entrepreneur individuel - 274

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RÉFORME DU STATUT DE L'ENTREPRENEUR INDIVIDUEL
d'une telle affectation afin qu'il puisse y consentir ou s'y opposer en connaissance de cause27
. Rien de
tel n'est prévu dans la loi du 14 février 2022 : non seulement le conjoint n'a pas à consentir à une intégration
s'opérant de plein droit, mais il n'est même pas informé des conséquences du mécanisme.
477. S'agissant enfin des biens indivis, le législateur n'en dit mot. Il faut donc revenir aux règles
gouvernant l'indivision. En la matière, le principe est que chaque indivisaire peut user et jouir des
biens indivis. Dès lors, si un indivisaire utilise un bien indivis - il en a le pouvoir - dans le cadre de
son activité professionnelle, celui-ci intégrera son patrimoine professionnel. Nonobstant cette mutation,
l'entrepreneur indivis demeure propriétaire du bien. Autrement dit, il s'agit d'une mutation non
translative28
. Comme pour les biens communs, le législateur n'exige ni l'accord, ni même une information
des coïndivisaires29. À nouveau, la philosophie du dispositif explique la solution : l'intégration du
bien indivis dans le patrimoine professionnel de l'entrepreneur n'est pas le fruit de sa volonté, mais
découle de l'utilité du bien à l'activité professionnelle. L'intégration étant de plein droit, il n'y a pas
lieu d'obtenir l'accord des indivisaires. Pour autant, là encore, la solution est regrettable tant elle
suscite de difficultés. En effet, quel est l'objet exact de l'intégration ? Est-ce le bien indivis en entier
ou seulement la quote-part indivise de l'entrepreneur individuel ? Quid des dettes ? Le créancier professionnel
peut-il saisir le bien indivis ? Ou uniquement la quote-part de l'entrepreneur individuel ?
478. À propos de l'EIRL, deux interprétations avaient été proposées. Pour certains auteurs30
,l'affectation
d'un bien indivis à un patrimoine de l'EIRL entraînait une neutralisation des règles de passif de
l'indivision : du fait de l'affectation, les biens indivis faisaient partie du seul droit de gage général des
créanciers professionnels. L'accord des indivisaires permettait de faire peser le poids des dettes professionnelles
sur le bien indivis dans sa totalité. Autrement dit, en consentant à l'affectation, « les autres
indivisaires [auraient été] tenus à hauteur de leur part dans ce bien des dettes pesant sur le patrimoine de
l'EIRL »31
. Pour d'autres auteurs au contraire32
. Relativement au nouveau dispositif, cette seconde interprétation nous semble préférable.
L'intégration dans le patrimoine professionnel du bien indivis utile à l'activité opérant de plein droit
mais n'étant pas translative, sans doute faut-il en déduire que seul l'entrepreneur indivisaire pourra
l'utiliser et en jouir, à l'instar de l'époux commun en biens. Pour les actes de disposition, en
,l'affectation permettait seulement à l'indivisaire EIRL
d'user et de jouir exclusivement du bien indivis, sans que cela ne rejaillisse sur les règles de passif
propres à l'indivision. En d'autres termes, il s'agirait d'une « officialisation de l'utilisation privative de ce
bien »33
27. Même s'il faut noter que le législateur est peu soucieux de ces considérations. En effet, « la déclaration d'insaisissabilité
des droits par lesquels est assurée la résidence principale de l'entrepreneur individuel influe elle-même sur le crédit du
ménage, mais n'en constitue pas moins une déclaration unilatérale » (C.com., art. L. 526-1), A. Karm, op. cit.,no
28. J. Laurent, « Les mutations non translatives. À propos de l'EIRL », Dr. et patr. 2012, no
10.
219, p. 40 et no
220, p. 48.
29. Au contraire, l'article L. 526-11, alinéa 1er prévoyait, à propos de l'EIRL, que « lorsque tout ou partie des biens affectés
sont des biens (...) indivis, l'entrepreneur individuel justifie de l'accord exprès de (...) ses coïndivisaires et de leur information
préalable sur les droits des créanciers mentionnés au 1ºdu I de l'article L. 526-12 sur le patrimoine affecté ».
30. V. par ex. I. Beyneix, « Le double échec de l'EIRL à l'aune du droit commun et du droit de la défaillance économique »,
LPA 19 sept. 2011, no
186, p. 17, spéc. no 15 ; L.-C. Henry, « EIRL : Quid des biens communs et des biens indivis
31. N. Jullian, op. cit.,no
affectés ? », Rev. proc. coll. 2011, no 2, dossier 23, spéc. nos 13 et s. ; J.-P. Sénéchal, « L'affectation de biens communs
ou indivis », Bull. Joly Entreprises en difficulté 2011, p. 62.
328, p. 331.
32. V. par ex. N. Jullian, op. et loc. cit. ; A. Karm, op. cit., spéc. no
33. N. Jullian, op. et loc. cit.
responsabilité limitée et le droit des entreprises en difficulté », Bull. Joly Sociétés 2011, p. 270, spéc. no
26 ; M.-H. Monsèrié-Bon, « L'entrepreneur individuel à
16.
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