Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 127

LES QUALIFICATIONS CIVILES ATTACHÉES AUX MONUMENTS HISTORIQUES
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" accessoire " , voire ne joue qu'un rôle négligeable » (26). Une partie de la
doctrine considère que la théorie de l'accessoire conduit à un résultat analogue
à celui de l'immobilisation, dans la mesure où les liens qui naissent
de l'union d'un objet mobilier accessoire à un immeuble principal justifient
que les règles juridiques applicables à l'immeuble s'étendent à son accessoire
mobilier (27). Plus radicalement, c'est l'utilité même de l'institution qui est
contestée. En rappelant la thèse de Marcel Planiol mais également les travaux
de la Commission de réforme du Code civil de 1946-1947, la Professeure
Marie-Christine de Lambertye-Autrand suggère que « la fiction légale trouvant
sa source dans la théorie de l'accessoire, exprimée par l'adage " Accessorium
sequitur principale " , on aurait pu s'en tenir à une application particulière de
celle-ci sans qu'il soit nécessaire de passer par ce détour de l'immobilisation
du meuble. La notion d'universalité de fait aurait pu également constituer une
voie permettant d'atteindre les mêmes fins » (28). L'universalité de fait s'est
développée pour permettre de soumettre un ensemble d'éléments distincts à
un régime juridique unique qui peut être lié par exemple à la vente des livres
d'une bibliothèque. L'universalité de fait se caractérise par une succession de
propositions : « elle est un bien distinct de ses éléments, où l'ensemble vaut
plus que la somme de ses composants, dont l'unité résulte de l'affectation des
éléments à un même but, dont la pérennité est assurée par la subrogation des
nouveaux éléments aux anciens, et où les composants sont fongibles en valeur
entre eux » (29). Pour constructive qu'elle soit, cette institution n'a séduit ni
le législateur ni la jurisprudence, et son engouement est resté cantonné à l'analyse
juridique du fonds de commerce, de la fiducie et, plus récemment, de
l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) (30).
5. Pour éviter des pratiques de démantèlement des monuments historiques, la
mise en œuvre de la protection des monuments historiques est restée attachée
à la théorie civiliste des immeubles par nature et par destination qui a conduit
à saisir juridiquement des biens « transfuges » selon l'expression du Professeur
Rémy Libchaber (31). Le juge judiciaire est rompu au maniement de ces catégories
juridiques. Ainsi, en matière fiscale, l'immeuble par nature ou l'immeuble par
destination est appréhendé dans sa double composante pour permettre la transmission
d'un bien en exonération de droits de mutation à titre gratuit. Il n'en va pas
de même lorsqu'il s'agit d'appréhender la notion de prépondérance immobilière
(26) Ibid., § 7.
(27) Storck J.-P., « Recherches sur le rôle de la destination des biens en droit
positif français », thèse Strasbourg, École doctorale de droit, science politique et
histoire, 1979.
(28) Lambertye-Autrand (de) M.-C., « Biens... », art. préc., § 8.
(29) Meiller É., « L'universalité de fait », RTD civ. 2012, p. 651.
(30) Nallet A., La notion d'universalité. Étude de droit civil, 2021, Dalloz, Nouvelle
bibliothèque de thèses.
(31) Libchaber R., « Biens », Rép. civ. Dalloz, mai 2016, spéc. § 223 à 269.
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