Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 134

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JEAN-RAPHAËL PELLAS
considéré qu'une statue qui n'était pas située dans une niche, mais qui était
simplement posée (sans être évidemment scellée) sur un socle enfoncé en terre
dans un jardin, était un immeuble par destination, car, aux yeux des juges,
cette circonstance suffisait à démontrer l'intention du propriétaire du terrain
" d'attacher cette statue à sa propriété, dont elle constituait un certain ornement " .
D'une façon générale, les juges admettent que des meubles, qui font
partie d'un ensemble décoratif dont ils sont inséparables, doivent être considérés
comme des immeubles par destination. Et ils attachent souvent une grande
importance au fait que des éléments mobiliers aient figuré, dès l'origine, dans
l'immeuble en question » (47). C'est en somme par une preuve indirecte que
l'on matérialise l'intention du propriétaire. Les commentateurs du Code du
patrimoine, Marie Cornu et Vincent Négri, abondent en ce sens à propos des
glaces d'un appartement qui bien que ne faisant pas corps avec les boiseries
sont réputées immeubles par destination, « Le caractère d'immeuble par destination
peut être attribué aux glaces d'un appartement retenues le long d'un
mur par de simples pattes, lorsque, derrière les glaces, les murs sont nus et
qu'il est établi que le propriétaire les a mises ad integrandam domum pour
compléter les cheminées et les tentures de l'appartement ; en conséquence, les
glaces ainsi disposées sont comprises dans l'adjudication de la maison. Les
juges en concluent que l'article 525 du Code civil n'est pas limitatif, et qu'il
ne faut donc pas l'interpréter dans un sens littéral. » (48) En somme, cette
intention supplée à l'absence d'attache matérielle, comme dans le cas des statues
pouvant être enlevées sans dommage d'une niche construite exprès pour
les recevoir. Les présomptions d'attache à perpétuelle demeure au sens de
l'article 525 du Code civil n'ont donc pas de caractère exhaustif ou limitatif.
13. La deuxième remarque est relative aux fresques (49) qui supportent une
qualification ambiguë. Elles devraient être analysées comme des immeubles
par nature. Elles forment une partie intégrante de l'édifice, dont elles ne
peuvent être détachées sans de graves altérations (50). La célèbre affaire des
fresques catalanes de la chapelle de Casenoves, dans laquelle la détermination
des juridictions compétentes découlait de la nature juridique des fresques
détachées de leur support, fut l'occasion pour la Cour de cassation d'affirmer
le caractère réversible de ce bien. Au xxe
siècle, les fresques médiévales ont
(47) Ibid., p. 114 à 126, spéc. p. 86.
(48) Cornu M., Négri V., annotation de l'article L. 622-1-2, Code du patrimoine,
2022, Dalloz.
(49) La fresque peut se définir comme une méthode de peinture consistant à appliquer
des pigments minéraux détrempés dans de l'eau de chaux sur un enduit frais
auquel ces pigments s'incorporent. Par ce processus, l'enduit une fois sec devient de
manière indissociable à la fois le support et la matière de la peinture, de telle sorte que
la fresque doit s'analyser en un immeuble par nature.
(50) Barbieri J.-F., « Perpétuité et perpétuation dans la théorie des droits réels »,
thèse Toulouse, 1977.
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