Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 170

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STEVE TAMETONG NGUEMO TSIDIÉ
Il y a assurément quelque chose de lassant, aux yeux de certains puristes
de l'analyse des institutions démocratiques, à ressasser le débat sur l'utilité du
Sénat, « Chambre des seigneurs » (1) auréolée de la prestigieuse appellation
de « chambre haute » (2) dans la plupart des États africains sous construction
démocratique. Par déférence à cette institution qui traverse les âges sur
d'autres continents (3), qu'il nous soit permis ici de confesser ce péché de
lèse-institution, sans doute proche de celui de Pierre-François Gonidec, qui
eut l'« audace » en son temps de questionner l'utilité de l'« Arche sainte
de l'État » (4) dans une contribution au titre fort évocateur (5) et intemporel
au regard de la crise de normativité qui affecte encore aujourd'hui les
constitutions en Afrique (6). Cet aveu d'entame ne saurait, cependant, édulcorer
toute réactualisation de la réflexion sur l'utilité des secondes chambres
en Afrique (7) et les fortunes du bicaméralisme au Gabon et au Cameroun
notamment, tant des nouveaux enjeux contemporains liés à la mondialisation
structurent le champ démocratique dans ces pays situés en Afrique centrale.
En réalité, le débat sur l'utilité de l'institution sénatoriale n'est pas nouveau
(8). Il prend racine dans la controverse longtemps entretenue par les
auteurs sur la structure même du Parlement. Le Doyen Maurice Duverger
la résumait bien dans ce questionnement : « le Parlement doit-il être composé
d'une seule chambre ou de plusieurs ? » (9). Si le bicaméralisme a été
(1) Perceval, « The Origin and Development of the House of Lords », Parliamentary
Affairs 1953, vol. VII, n° 1, p. 33 à 48 ; Gibson E., « La Chambre des lords : une
chambre en transition », in Guislin J.-M. (dir.), La chambre haute. Hier en France,
aujourd'hui en Europe, 2012, Lille, Publications de l'Institut de recherches historiques
du Septentrion (IRHiS), https://books.openedition.org/irhis/2354?lang=fr
(2) Ibid.
(3) « Le bicaméralisme, une idée d'avenir », Actes du Forum des sénats du monde,
Palais du Luxembourg, Paris, 14 mars 2000.
(4) L'expression est du Professeur Théodore Holo ; v. Holo T., « Constitution et
nouvel ordre politique au Bénin », Revue béninoise de sciences juridiques et administratives
1989, n° 13, p. 1 à 10, spéc. p. 2.
(5) Gonidec P.-F., « À quoi servent les constitutions africaines ? Réflexions sur le
constitutionnalisme africain », RJPIC oct.-déc. 1988, n° 4, p. 849 à 866.
(6) Aïvo F. J., « La crise de normativité de la Constitution en Afrique », RDP 2012,
n° 1, p. 141 à 180.
(7) Kuakuvi K., « Les secondes chambres du Parlement dans les États francophones.
Le cas du Burundi, de la France, du Gabon et du Sénégal », thèse Gand, 2012 ; Kossi S.,
Le Parlement dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique. Essai d'analyse comparé
à partir des exemples du Bénin, du Burkina Faso et du Togo, thèse Lille 2, 2008.
(8) Gélard P., « À quoi peut donc servir une seconde chambre en démocratie ? », in Le
nouveau constitutionnalisme, Mélanges en l'honneur de Gérard Conac, 2001, Economica,
p. 139 à 148 ; Fourcade J.-P., « À propos du rôle du Sénat », in Mélanges en hommage à
Maurice Duverger. Droit, institutions et systèmes politiques, 1987, PUF, p. 93 à 99.
(9) Duverger M., Institutions politiques et droit constitutionnel, 1980, PUF, p. 163.
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