Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 177

À QUOI SERT LE SÉNAT ? RÉFLEXION SUR LES FORTUNES DU BICAMÉRALISME
AU GABON ET AU CAMEROUN À L'ÈRE DES NOUVEAUX DÉFIS ÉTATIQUES
2. Un pouvoir d'amendement des lois limité
Par le pouvoir d'amendement des lois, le Sénat joue un rôle décisif dans
l'amélioration du processus législatif et la qualité de loi (46). Il permet de
« corriger les erreurs matérielles, de rectifier les inexactitudes, de parfaire une
rédaction défectueuse, de combler des lacunes [...]. Sur le fond, il témoigne
le plus souvent de l'attachement aux principes des droits et du souci d'applicabilité
des textes. Cela se traduit par une plus grande précision et une plus
grande diversification des dispositions » (47). Dans ce sens, le Sénat apparaît
comme « coéditrice des lois » (48) au même titre que l'Assemblée nationale.
Si ce pouvoir est reconnu aux sénats gabonais (49) et camerounais (50), il
demeure cependant très limité dans sa mise en œuvre.
D'abord, en raison de l'encadrement rigoureux de la nature de l'amendement.
L'article 55 de la Constitution gabonaise dispose que « les amendements
ne doivent pas être dépourvus de tout lien avec le texte auquel ils se
rapportent ». De plus, les amendements d'origine parlementaire sont déclarés
irrecevables lorsque leur adoption a pour conséquence, soit une diminution
des recettes publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique
sans dégagement des recettes correspondantes. C'est le cas en droit camerounais
où sont également déclarés irrecevables les amendements qui auraient
pour effet, s'ils sont adoptés, soit une diminution des ressources publiques,
soit l'aggravation des charges publiques sans réduction à due concurrence
d'autres dépenses ou création de recettes nouvelles d'égale importance (51).
Ensuite, le droit de faire valoir un amendement peut être court-circuité par
le gouvernement. Ainsi en est-il au Gabon où à la demande du gouvernement,
la Chambre saisie, qu'il s'agisse de l'Assemblée nationale ou du Sénat,
se prononce par un vote unique sur tout ou partie du texte en discussion et
ne retient que les seuls amendements proposés ou acceptés par le gouvernement
(52). En d'autres termes, le gouvernement peut librement diligenter
toute la procédure législative à sa guise en s'arrogeant l'exclusivité des amendements
sur son propre texte de loi ou en jugeant de l'opportunité d'accepter
ou non des amendements formulés par les chambres parlementaires. Il suffit
(46) « La qualité de la loi », in Les documents de travail du Sénat, sept. 2007, www.
senat.fr/ej/ej03/ej03.pdf ; Shahrbabaki A., « La qualité des normes. Étude des théories
et de la pratique », thèse Aix-Marseille, 2017.
(47) Mastias J., Grangé J. (dir.), Les secondes chambres du Parlement en Europe
occidentale, op. cit., p. 230.
(48) Mback C. N., « La seconde chambre dans les nouveaux Parlements africains »,
art. préc., p. 132.
(49) Const. gabonaise, art. 55.
(50) Const. gabonaise, art. 24, 1.
(51) Règl. int. Sénat, art. 38, 4.
(52) Const. gabonaise, art. 55.
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