Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 19

DOSSIER - LES POLITIQUES PUBLIQUES : UN CHOIX LIBANAIS ?
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de la Charte du mandat et dans une intention de justice et de concorde, les
communautés seront équitablement représentées dans les emplois publics et
dans la composition du ministère sans que cela puisse cependant nuire au
bien de l'État ». Ensuite, l'article 96 précisait que « La répartition des sièges
sénatoriaux entre les communautés se fera, conformément aux dispositions
des articles 22 et 95, dans la proportion suivante : 5 maronites, 3 sunnites,
3 chiites, 2 grecs-orthodoxes, 1 grec-catholique, 1 druze, 1 minoritaire ».
Quant à l'article 22, s'il prévoyait de façon plus discrète que « Les membres
de la Chambre des députés sont élus conformément aux dispositions de l'arrêté
n° 1307 du 8 mars 1922 », il n'en imposait pas moins le principe, également,
d'une représentation communautaire des citoyens par le biais d'un système de
quotas définis par l'arrêté auquel il était ainsi renvoyé.
Ces règles ne sont évidemment pas plus fortuites qu'arbitraires. Elles sont
révélatrices de la conscience de leurs auteurs que, pour être viable, la République
libanaise devait être fondée sur un « contrat social » unissant d'abord et avant
tout les communautés vivant sur le territoire que la puissance mandataire lui avait
attribué. Voilà pourquoi il importait tant de recueillir leur adhésion.
Mais à cet effet, il ne pouvait pas suffire de les assurer qu'elles seraient
représentées par certains de leurs membres dans toutes les instances ou centres
de pouvoir de l'État. Il fallait surtout garantir à ces communautés, toutes de
nature religieuse, qu'elles conserveraient, d'une part, leur auto nomie dans
leurs modes d'organisation, d'autre part l'ensemble des préro gatives par lesquelles
elles se distinguaient les unes des autres et dont dépendait ainsi la
préservation de leur identité : celles qui étaient relatives au statut personnel
de leurs membres. Tel a été l'objet de l'arrêté n° 60 L.R. du 13 mars
1936, dont l'article 1er
a prévu que « sont légalement reconnues, en tant que
communautés à statut personnel, les communautés historiques dont l'organisation
juridique et judiciaire est fixée par un acte législatif », et dont la liste
figurait en annexe.
Bien sûr, ces dispositions étaient conçues comme ne devant valoir qu'à
« titre provisoire », et donc comme un simple moyen de favoriser l'éclosion
d'une véritable nation libanaise. Autrement dit, elles traduisaient l'espoir
que, progressivement, un « vouloir vivre ensemble » de l'ensemble des
citoyens eux-mêmes supplanterait ce que le réalisme obligeait à déjà provoquer
et, le cas échéant, savoir momentanément se contenter : une association
de communautés.
Mais c'est à cette approche prudente que la République libanaise doit
d'avoir survécu à la fin du mandat français, puisqu'elle a été fondamentalement
reconduite, alors et depuis lors, par le « Pacte national » (non écrit) de
1943, le décret-loi n° 112 du 12 juin 1959, l'accord de Taëf du 22 octobre
1989 et la réforme constitutionnelle du 21 septembre 1990 que cet accord a
inspirée.
La conséquence en est qu'il existe aujourd'hui une profonde incertitude à
propos de la forme de cette République. En effet, et ainsi que Pierre Gannagé
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