Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 211

AUX ORIGINES DE L'IMPÔT SUR LE REVENU : L'ANCIEN RÉGIME
OU LES TRACES D'UNE ADMINISTRATION
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2. Le projet Vauban
C'est dans cette démarche générale de réforme que s'inscrivit le célèbre
projet de « dîme royale » porté par Vauban (95). Deux siècles plus tard, dans
son inventaire des systèmes fiscaux, René Stourm le classera parmi les impôts
uniques (96). La pensée maîtresse du projet résidait à la fois dans le dépassement
des privilèges qu'elle supposait, mais également dans son adaptation à
la situation des contribuables. Vauban tentait ainsi d'allier les idées d'universalité
et de proportionnalité. Comme il l'écrivait, la dîme royale devait être
prélevée sur « tous les fruits de la terre, d'une part, et sur tout ce qui fait du
revenu aux hommes, de l'autre » (97), à l'image des revenus tirés des moulins
ou des pêcheries, ou encore de ceux issus des rentes, gages, appointements,
pensions ou des loyers ou tirés du domaine foncier. Au reste, elle devait être
« prise proportionnellement » (98), l'objectif étant de taxer les contribuables
entre le dixième et le vingtième (99). En effet, écrivait-il, la dîme royale se
fonde sur l'« obligation naturelle aux sujets de toutes conditions de contribuer
à proportion de leur revenu ou de leur industrie, sans qu'aucun d'eux s'en
puisse raisonnablement dispenser » (100).
Le projet de Vauban ne sera repris ni par Louis XIV, ni par le régent.
Comme l'a expliqué Mireille Touzery, ces réticences s'expliquent avant
tout par un constat divergent, quant à l'état des finances, entre Vauban
et Nicolas Desmarets, le contrôleur général des finances de l'époque
- divergence que partagera son successeur, le duc de Noailles, qui assurait
la présidence du Conseil de finances (101) sous le régime de la polysynodie
(102). Au reste, le problème que posait ce projet résidait dans ses
prétentions universalistes, nivelant ainsi les distinctions sociales entre les
catégories de sujets. Son caractère révolutionnaire s'accommodait mal de la
période, celle de la régence, et du régime qui était, par essence, transitoire
et donc très sensible. Il y a fort à parier que le régent vit d'un mauvais œil
l'idée de transformer le système fiscal de fond en comble ; celui-ci ayant,
du reste, fortement besoin de la confiance de la noblesse pour gouverner
pendant cette période.
(95) Vauban S., La dîme royale (1698-1707), 1897, Paris, Librairie de la bibliothèque
nationale.
(96) Stourm R., Systèmes généraux d'impôts, op. cit., p. 48.
(97) Vauban S., La dîme royale..., op. cit., p. 16.
(98) Ibid., p. 15.
(99) Ibid., p. 24.
(100) Ibid., p. 25.
(101) Régent, décl. 15 sept. 1715 portant établissement de plusieurs conseils pour la
direction des affaires du Royaume, art. 1er
Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420..., op. cit., p. 36.
(102) Pour plus de précisions, v. Petitfils J.-C., Louis XV, op. cit., p. 66 et s.
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, in Isambert F.-A., Decrusy, Taillandier A.-H.,
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