Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 22

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DOSSIER - LES POLITIQUES PUBLIQUES : UN CHOIX LIBANAIS ?
moments, les circonstances ou les sujets traités, des citoyens du Liban, viscéralement
attachés à l'unité et à l'indépendance de leur pays, en même temps
que les membres de leur communauté d'origine, à laquelle ils restent indéfectiblement
fidèles et dont sont également membres la plupart de ceux envers
lesquels ils éprouvent un fort sentiment de solidarité.
Mais cette réalité est très mal représentée dans les instances dirigeantes
de l'État, car les principaux partis politiques sont clairement ancrés dans les
plus importantes communautés et ressentent donc le besoin, pour assurer leur
pérennité, d'apparaître comme les protecteurs, non seulement des intérêts,
mais encore de l'identité même de celles-ci. Par conséquent, ils se croient
tenus de s'opposer systématiquement à toute initiative législative pouvant être
interprétée comme visant à réduire leur influence au profit de l'État.
Voilà pourquoi il leur est très couramment reproché d'être une cause des
blocages de la société libanaise, c'est-à-dire un obstacle à la prise en compte
de l'évolution des mœurs aussi bien que des aspirations de l'ensemble de la
population.
Et cependant, cette critique ne se comprend qu'en tant qu'elle émane de
la « société civile », parce qu'elle ne traduit pas autre chose que la conception
que cette dernière retient du rôle de l'État. En effet, « l'évolution des
mœurs et des aspirations de la population » qu'elle évoque est celle dont les
règles confessionnelles des différentes communautés libanaises elles-mêmes
refusent de tenir compte puisqu'elles concernent principalement le statut des
femmes, le droit de la famille et, à certains égards, le droit des successions.
Par conséquent, le reproche qui est fait aux partis politiques libanais repose
sur le postulat que l'État serait en droit d'intervenir dans ces domaines. Or,
tel est précisément ce qu'oblige à remettre en cause l'hypothèse de la forme
fédérale de la République libanaise, eu égard à son originalité.
B. - L'originalité du fédéralisme libanais
Formuler l'hypothèse que la République libanaise aurait la nature d'une
fédération de communautés religieuses n'est réellement heuristique que dans
la mesure où l'on prête attention au fait qu'elle se présente sous une forme
très singulière.
Il est vrai que la notion même de fédération sert à décrire des modes
d'orga nisation sociale qui, dans la réalité des faits, varient considérablement
d'une « fédération » à l'autre et dont la cause n'est, pour chacune, que très
exceptionnellement identifiable avec certitude : en général, les aspirations que
ces modes d'organisation cherchent à satisfaire sont, non seulement multiples
et passablement contradictoires, mais fluctuantes avec le temps.
Dans le cas du Liban cependant, il paraît bien certain que les compétences
dont jouissent les communautés religieuses ne leur sont pas déléguées par
l'État, et ne résultent pas non plus d'un choix clairement exprimé de l'ensemble
des Libanais, qui n'ont jamais été consultés sur ce sujet, en faveur
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