Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 243

CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE CONSTITUTIONNELLE (2022)
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au sens strict. En droit, de nombreux leviers contentieux sont donc actionnables.
En termes d'opportunité politique, la question se présente autrement.
Après une première phase prudente, le Conseil constitutionnel a incontestablement
accéléré le rythme et amplifié l'ampleur des évolutions jurisprudentielles
en matière environnementale. Aller plus vite et - beaucoup - plus loin est
une évidente nécessité pour les uns, un excès de zèle les autres. L'urgence de
la situation et l'inertie persistante du politique à se saisir frontalement de la
question pourrait inciter les juges, et en particulier le Conseil constitutionnel
à passer ce nouveau cap. Quitte à essuyer les accusations lancinantes sur le
gouvernement des juges, autant agir pour une noble cause !
III. - Vers un constitutionnalisme civique ?
Le principe d'un contrôle juridictionnel de constitutionnalité est de plus en
plus discuté, critiqué, contesté. Quelles que soient ses modalités, a priori ou a
posteriori, concentrées ou diffuses ; quel que soit le mode de composition des
juridictions constitutionnelles ; quel que soit le continent. Et toujours avec le
même argument : contrôler la constitutionnalité des lois est contraire au principe
démocratique qui s'exprime tout entier dans la souveraineté du peuple
sur toutes les institutions y compris les institutions juridictionnelles. Si le
principe démocratique se définit par la souveraineté du peuple et si, pour des
raisons de temps, d'instruction, de philosophie ou de géographie, le peuple ne
peut échapper à sa représentation, la seule véritable nécessité démocratique
est qu'il désigne, par son vote, ceux qui agiront en son nom. Tout s'enchaîne
alors logiquement : un organe nommé ne peut pas imposer ses décisions, sa
volonté à un organe élu. Et l'idéal démocratique est atteint en son cœur quand
les lois votées par les élus du peuple peuvent être défaites par une institution
dépourvue de ce qui donne à un pouvoir sa légitimité pour décider, le suffrage
universel. En admettant même qu'une délégation de pouvoir soit à l'œuvre
dans l'institution juridictionnelle comme elle l'est dans les institutions parlementaire
et exécutive, en admettant que le juge constitutionnel soit un représentant,
la différence reste que cette représentation-là ne peut jamais mériter
le qualificatif « démocratique » car il lui manque ce qui la constituerait telle :
l'élection. En elle-même, l'existence d'un contrôle de constitutionnalité est
déjà la manifestation d'une méfiance voire d'une hostilité à l'égard du suffrage
universel et des élus du peuple. Dans ce régime d'intelligibilité de la
démocratie, le juge constitutionnel est une anomalie, une institution illégitime.
La question n'est sans doute pas nouvelle ; Tocqueville est revenu de son
voyage aux États-Unis en affirmant que la plus grande puissance politique
était, ici, le juge de la Cour suprême. Mais elle prend une importance particulière
dans le contexte actuel marqué par la montée générale des populismes
dont un des dénominateurs communs est de poser le peuple au-dessus de la
constitution.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 1-2023
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