Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 258

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
jadis au droit public - ainsi qu'en témoignent les écrits de Jean Domat (5) -,
comme c'est encore le cas en Italie et dans nombre de pays anglo-saxons - où
la dichotomie, il est vrai, est de moindre portée.
L'affirmation de cette frontière, surtout, ne suffit pas à répondre à la question
que pose l'ouvrage : de même qu'on ne saurait épuiser la description d'un
pays en ne s'intéressant qu'à ses confins, le droit public ne peut être décrit par
la seule analyse de la jurisprudence du Tribunal des conflits. Ainsi s'explique
que Benoît Plessix annonce vouloir présenter le contenu du droit public, son
cœur, pour lui-même et non dans son rapport avec le droit privé. Il semble bien
que le centre de son projet soit l'identification des conditions intellectuelles
permettant de penser un droit public pour lui-même. Un soin méthodologique
bienheureux le conduit à rejeter tout essentialisme : le droit public, « construction
intellectuelle culturellement située », est un « produit occidental de la
modernité » (p. 8). Il est, en outre, partiellement déterminé par le regard qui
est porté sur lui : l'antériorité du droit privé a longtemps conduit à percevoir le
droit public dans son creux, comme une dérogation au premier.
Une identification
L'auteur s'attache d'abord (p. 11 à 37) à identifier son objet, le droit public.
Il évolue de son objet vers son contexte. De façon classique, il part de la
singularité de l'objet du droit public - le pouvoir politique - pour expliquer
qu'on l'ait soumis à des règles singulières, tant il serait « ridicule », comme
l'écrivait Montesquieu, « de prétendre décider des droits des royaumes [...]
par les mêmes maximes sur lesquelles on décide entre particuliers d'un droit
pour une gouttière ». Il rappelle que l'expression « droit politique » fut longtemps
préférée à celle qui donne son titre à l'ouvrage. La singularité du
groupement politique fait celle du droit public - « public n'est pas synonyme
de collectif » (p. 15). L'auteur définit le droit public comme « le droit du
pouvoir politique » (p. 17) - il repose sur une relation entre gouvernants et
gouvernés et procède d'une différenciation entre ces entités structurellement
inégalitaires (p. 17 à 18). Ainsi s'explique, à ses yeux, que les règles de droit
public fondent des « prérogatives qui excèdent, qui sortent de l'orbite de ce
que peuvent ou veulent faire les particuliers par eux-mêmes » - de sorte que
le droit public, « grâce au pouvoir politique », se doterait à la fois d'un objet
propre et d'un « trait distinctif par rapport au droit privé, à savoir son exorbitance
» (p. 19). Le droit public serait également un « droit organisationnel »,
en tant qu'il s'impose à l'appareil par lequel se manifeste le pouvoir politique.
L'auteur emprunte à Martin Loughlin la proposition selon laquelle la
politique n'est pas à l'origine du droit public, mais plutôt le droit public aux
(5) V. Pierrard F., « L'apport méconnu de Jean Domat (1625-1696) au droit pénal »,
xviie siècle 2020, n° 287, p. 237 à 254, p. 238 à 241.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 1-2023
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