Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 267

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
265
« les règles et les notions juridiques sont modelées par l'évolution des finalités
de l'ordre juridique au sein duquel elles sont nées en priorité » (11). D'autre
part, il est habituellement sensible à l'arrière-plan idéologique du droit public
et du droit administratif, au fait que « derrière l'émergence de la distinction
entre le droit public et le droit privé, se sont toujours profilés des enjeux idéologiques
et politiques » (12). Pour combattre le « mythe d'un prétendu jus
universum » - la « doctrine qui ambitionne de considérer le droit comme un
tout unique » -, au profit d'un « pluralisme juridique » - renvoyant au « fait
que les règles, les principes et les notions juridiques sont multiples, existent en
grand nombre », si bien qu'il ne serait « pas réaliste de le réduire à des notions
uniques et communes » (13) -, l'auteur montre en quoi les références au droit
civil en droit administratif ont servi des finalités idéologiques, au premier chef
desquelles la lutte contre le dogme de l'autonomie du droit administratif, par
l'assimilation des rapports entre Administration et administrés à ceux qui lient
les particuliers en droit privé (14). Le projet se poursuit. Dans son manuel, il
présente comme un « mythe purement idéologique » (15) l'idée d'une division
« naturelle » entre droit public et droit privé. Sous ce rapport, la critique
des idéologies s'émousse dans ce « Que sais-je ? » - sans que l'on sache si
cela résulte du format de l'ouvrage ou d'une évolution des centres d'intérêt
de l'auteur.
On s'interroge, enfin, sur une rupture. Jusqu'alors, la plume de Benoît
Plessix ne séduit pas seulement par sa rigueur et sa clarté. Elle révèle une personnalité,
des préférences intellectuelles, des positions doctrinales - en somme,
un engagement. Cela se constate dès sa thèse. Il le théorise dans son manuel,
en particulier dans le manifeste intellectuel et épistémologique qui y tient lieu
de préface : tout travail universitaire « emporte avec lui tout un ensemble de
circonstances, d'idées, d'émotions même », il est « l'expression d'une individualité
» (16). L'une des forces de ses précédents ouvrages est de n'avoir pas
cherché à les gommer, en allant jusqu'à fustiger certains auteurs parmi les plus
illustres. En ouverture de sa thèse, il présente le droit administratif comme
« une discipline encombrée par un grand nombre d'idées reçues : domination
du positivisme juridique, mauvaise connaissance des sources historiques du
droit administratif, volonté prédominante d'affirmer son autonomie, approche
contentieuse de la matière, voire culte de la jurisprudence administrative » (17).
Dans son manuel, il regrette que « [trop] de juristes se soumettent aux dogmes
comme on s'aliène à un maître » et qu'ils « [s'enferment] dans des carcans qui
(11) Plessix B., L'utilisation du droit civil..., op. cit., p. 818.
(12) Ibid., p. 15.
(13) Ibid., p. 757.
(14) Ibid., p. 815 à 821.
(15) Plessix B., Droit administratif général, 1re
(16) Ibid., p. viii-ix.
(17) Plessix B., L'utilisation du droit civil..., op. cit., p. 20.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 1-2023
éd., op. cit., p. 663 à 669.
Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023

Table des matières de la publication Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023
