Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 29

DOSSIER - LES POLITIQUES PUBLIQUES : UN CHOIX LIBANAIS ?
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Autrement dit, si les maronites libanais doivent se voir appliquer les règles
de la communauté maronite, ce n'est pas parce que le statut personnel des
Libanais serait régi par « le droit libanais » et que, selon ce « droit libanais », il
dépendrait des règles confessionnelles de la communauté dont les Libanais sont
membres : c'est parce que le « droit libanais », c'est-à-dire celui qui est produit
par l'ordre étatique libanais lui-même, n'a aucunement vocation à concerner
cette question (13) ; et qu'il n'a pas davantage vocation à se mêler du statut
personnel des maronites syriens. Par conséquent, la « règle de conflit » vise
en l'occurrence à assurer la coordination de l'ordre étatique libanais, non pas
avec des ordres étatiques étrangers, mais avec les ordres communautaires (14).
Les règles relatives aux conflits de juridictions peuvent tout autant provoquer
la discussion, en dépit de la réforme dont elles ont été l'objet par le
nouveau Code de procédure civile, dont d'ailleurs l'adoption a sans doute été
facilitée par leur caractère éminemment technique, peu propice à la prise en
compte de l'ensemble de leurs enjeux.
Jusqu'alors, en tout cas, et pour ce qui concerne la « compétence internationale
des tribunaux », la question qui se posait était de savoir si les juridictions
confessionnelles avaient ou non à se préoccuper du caractère « inter national »
ou « purement interne » des litiges dont elles étaient saisies. Car après tout,
ces juridictions, même lorsqu'il s'agit des tribunaux char'i qui, pour des
raisons purement historiques, sont intégrés dans le système judiciaire de l'État
(13) On objectera peut-être que cette analyse ne peut valoir que pour ce qui concerne
le statut personnel des membres syriens et libanais des communautés historiques, dès
lors que, pour les autres, l'arrêté n° 60 L.R. prévoit de les soumettre « à la loi civile ».
Mais il serait certainement très hasardeux d'attribuer à cette dernière solution une portée
qui ferait fi de son ambiguïté : en 1936, cette « loi civile », décrite comme applicable
à des Syriens autant qu'à des Libanais, n'existait pas : elle était - et d'ailleurs
demeure - seulement projetée. Et elle devait ne concerner que les Syriens et Libanais
n'appartenant à aucune des communautés reconnues. On peut alors comprendre que
les représentants de ces dernières n'aient pas même éprouvé le besoin de se faire
notamment préciser si cette « loi civile » devrait être de source libanaise, syrienne
ou libano-syrienne : plutôt que de compromettre l'acquis (l'effacement de l'État dans
la détermination du statut personnel des membres des communautés historiques du
Liban), la sagesse commandait d'attendre que soit élaboré le projet de « loi civile » en
question... pour en empêcher l'adoption.
(14) Il faut remarquer que la solution ne vaut que pour les membres libanais et
syriens des communautés reconnues, et ne s'applique donc pas lorsque sont en cause
des « étrangers », quand bien même ils seraient également membres de ces communautés
: le statut personnel de ces derniers, qu'ils soient arméniens, irakiens, égyptiens ou
autres, ne peuvent dépendre des règles communautaires que si elles sont rendues applicables
par leur loi nationale. Cette différence mérite sans doute d'être comprise comme
une confirmation des ambiguïtés entourant la portée de la création de l'État libanais :
s'il devait s'agir d'une entité souveraine, son détachement de la Syrie ne devait cependant
et en aucun cas se traduire par la scission des communautés.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 1-2023
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