Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 36

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DOSSIER - LES POLITIQUES PUBLIQUES : UN CHOIX LIBANAIS ?
privilèges religieux accordés aux diverses communautés, à la condition qu'il
ne soit pas porté atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs ». Le « maintien
des privilèges » accordés aux communautés religieuses s'inscrit ainsi dans
le prolongement de la liberté des cultes et l'exercice collectif de la liberté
religieuse.
C'est ensuite avec la Charte du mandat de la Société des Nations (SdN)
reçu par la France sur le Liban qu'est imposée encore à l'article 6 de celle-ci
la garantie du « respect du statut personnel des diverses populations et de
leurs intérêts religieux ». La reconnaissance légale des communautés religieuses
s'associe dans cette perspective au droit de bénéficier d'une autonomie
législative et judiciaire en matière de statut personnel (3). Mais la Charte
du mandat introduit également à l'article 8 une nouveauté conceptuelle faisant
apparaître ainsi la liberté de conscience individuelle auprès de la liberté
des cultes (4). Cet aspect nouveau de la liberté religieuse s'expliquerait selon
certains auteurs par la transformation du concept de la liberté religieuse qui
tout en conservant sa dimension collective liée à la protection par les empires
européens des minorités chrétiennes sous l'Empire ottoman prend une tournure
individuelle au xixe
siècle (5).
C'est dans ces circonstances que la Constitution libanaise de 1926 voit le
jour. L'article 9 de la Constitution dispose que « La liberté de conscience est
absolue. En rendant hommage au Très-Haut, l'État respecte toutes les confessions
et en garantit et protège le libre exercice à condition qu'il ne soit pas
porté atteinte à l'ordre public. Il garantit également aux populations, à quelque
rite qu'elles appartiennent, le respect de leur statut personnel et de leurs intérêts
religieux ».
En ce qu'il impose à l'État « le respect du statut personnel et des intérêts religieux
» dans le cadre de la liberté religieuse, l'article 9 semble être la jonction
des articles 11 de la Constitution ottomane et 6 de la Charte du mandat (6) ;
(3) Mahmood S., Religious Difference in a Secular Age..., op. cit., p. 63.
(4) L'article 8 de la Charte du mandat dispose que « Le mandataire garantira à toute
personne la plus complète liberté de conscience ainsi que le libre exercice de toutes
les formes de culte compatibles avec l'ordre public et les bonnes mœurs. Il n'y aura
aucune inégalité de traitement entre les habitants de la Syrie et du Liban du fait des
différences de race, de religion ou de langue. / Le mandataire développera l'instruction
publique donnée au moyen des langues indigènes en usage sur les territoires de la
Syrie et du Liban. Il ne sera porté aucune atteinte au droit des communautés de conserver
leurs écoles en vue de l'instruction et de l'éducation de leurs membres dans leur
propre langue, à condition de se conformer aux prescriptions générales sur l'instruction
publique édictées par l'Administration. »
(5) Mahmood S., Religious Difference in a Secular Age..., op. cit., p. 63.
(6) Abi Rached N., « L'identité constitutionnelle libanaise », thèse Paris 2 PanthéonAssas,
2011, p. 238 ; Nasri Messarra A., Théorie générale du système politique libanais.
Essai comparé sur les fondements et les perspectives d'évolution d'un système
consensuel de gouvernement, 1994, Cariscript, p. 20.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 1-2023

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