Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 59

DOSSIER - LES POLITIQUES PUBLIQUES : UN CHOIX LIBANAIS ?
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de Weil, Renan et Lammens. Jawad Boulos, dans sa définition de la nation,
reprend, presque textuellement, les idées exposées par Ernest Renan lors d'une
conférence de ce dernier sur le concept de nation (25). En face, un autre groupe
dénonçait cette idée et lui opposait l'identité arabe de la population libanaise.
Un tournant s'opère au moment de l'indépendance avec pour enjeu l'unité
du Liban, de rassembler les Libanais autour d'une formule, de conduire le
pays vers l'indépendance par rapport à la France sans se voir engloutir par
la Syrie voisine. Le Liban allait désormais être présenté comme « un pays
à visage arabe ». Cette idée, dénoncée par la formule célèbre de Georges
Naccache « deux négations ne font pas une nation », va éclater avec la guerre.
Et c'est sur « la scène retirée de l'histoire écrite » que les combats identitaires
ont pu se livrer bataille. Ce constat de Ahmad Beydoun, sociologue libanais,
résume bien comment des historiens libanais ont opposé des perceptions différentes
de l'identité libanaise. Dans son ouvrage Identité confessionnelle et temps
social chez les historiens libanais contemporains, il décortique avec une rigueur
remarquable les récits de ces historiens suivant le prisme de l'identité. Quand on
parcourt cet ouvrage, devenu central et fondateur de la réflexion autour de l'identité,
on comprend bien que tant que les Libanais ne se mettront pas d'accord sur
leur identité en acceptant les perceptions différentes, ils ne dépasseront pas ce
que Beydoun appelle « la pudeur des communautés », l'écriture de l'histoire restera
problématique. Ibrahim Jabre, juriste, préfère parler « d'identification nationale
ou bien d'identité différenciée pour traduire la diversité et la multiplicité des
représentations subjectives que les Libanais se font de leur pays » (26).
Trouvant la « querelle d'autrefois sur l'identité libanaise, en vertu d'approches
idéologiques, à la fois polémique et stérile », le Professeur Messara
préconise d'axer plutôt l'enseignement de l'histoire du Liban sur les souffrances
et les réalisations communes des Libanais.
Or, en plus des réformes avortées de l'enseignement de l'histoire, l'absence
d'une politique officielle de la mémoire se fait ressentir au fil des années.
Et les initiatives louables de la société civile essaient, encore une fois, de
combler le vide d'un travail de mémoire.
B. - Une mémoire malmenée
Lors du colloque « Mémoire pour l'avenir » tenu à Beyrouth les 30 et
31 mars 2001 (27), nous remarquions la participation exclusive, auprès de personnalités
libanaises, de sommités françaises invitées dans le but d'apporter
(25) Elias A., « Construction de l'identité libanaise... », art. préc., p. 26 à 29.
(26) Consulté en ligne le 25 août 2022, https://www.lorientlejour.com/article/1186477/
une-identification-plutot-quune-identite-nationale-libanaise.html?fbclid=IwAR09Ybo1_
esAPxiaL5NPneQx6chGta9UgH3lSeQmFNFCG8BI-SG9QaavOwg.
(27) Pour plus de détails, consulter les Actes du colloque « Mémoires pour l'avenir
», 2001, Beyrouth, Éd. Dar An-Nahar.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 1-2023
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