Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 63

DOSSIER - LES POLITIQUES PUBLIQUES : UN CHOIX LIBANAIS ?
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reposer que sur deux piliers : la justice et l'éducation. Et pourtant, ajoutait-il,
« je ne sais pas si nous l'avons suffisamment compris » (3). On verra que malgré
le conseil prémonitoire de Huvelin, les autorités mandataires ont échoué
à plusieurs égards dans leur processus de « tutorat », qui consistait, selon la
SdN, à « conseiller, assister et guider » les États naissants dont celui du Grand
Liban, l'objet de notre article (4).
Les raisons de cet échec sont complexes. Les autorités françaises étaient
animées par plusieurs objectifs : en plus de préparer le Liban et la Syrie à
l'indépendance, elles devaient pacifier une région rebelle sortant de la guerre
de Syrie (5) tout en protégeant d'importants intérêts commerciaux français
datant du système de capitulation sous les Ottomans (6). Ces objectifs
nécessitaient des fonds importants, que les autorités mandataires n'étaient pas
disposées à assumer. Elles ont donc fini par appliquer de facto un principe
colonial bien établi qui consiste à maximiser les profits tout en minimisant les
dépenses. Pour emprunter les mots de l'écrivain Éric Vuillard, la France proposait
ainsi à ses colonies « un plan au rabais [...] modeste, bon marché. » (7)
Nous verrons que le caractère du mandat, qui sera la dernière aventure quasi
coloniale française, sera finalement similaire.
La résolution de ces contradictions consista à lever localement des fonds
suffisants afin de financer non seulement la gouvernance civile, mais aussi
un dispositif sécuritaire important, tout en protégeant les monopoles, appartenant
pour la plupart à des intérêts français. L'économie a donc été surtaxée.
Cette situation contraste avec celle des colonies où les dépenses militaires
étaient moins importantes, les guerres de conquête appartenant au passé, et où,
contrairement au mandat, la France payait généralement toutes les dépenses
militaires. De plus, la priorité donnée à la sécurité dans les pays sous mandat
laissait moins de fonds pour les dépenses locales, ce qui fut préjudiciable au
développement économique.
(3) Huvelin P., Que vaut la Syrie ? Congrès français de la Syrie, Section économique
et compte rendu de la mission française en Syrie, Paris-Marseille, Chambre de
commerce de Marseille, mai-sept. 1919, p. 55.
(4) Préambule, « Mandat de la SdN pour la Syrie et le Liban, 1922 », Digithèque
de matériaux juridiques et politiques 2011, https://mjp.univ-perp.fr/constit/sy1922.htm.
(5) Khoury P. S., Syria and the French Mandate: The Politics of Arab Nationalism
1920-1945, 2014, Princeton, Princeton University Press.
(6) Shorrock W. I., « The Origin of the French Mandate in Syria and Lebanon: The
Railroad Question, 1901-1914 », International Journal of Middle East Studies 1970,
vol. 1, n° 2, p. 134 ; Al-Saleh M. A., « Introduction de partie. Les aspects économiques
généraux de la relation mandataire France, Syrie et Liban, 1918-1946 », in Méouchy N.
(dir.), France, Syrie et Liban 1918-1946. Les ambiguïtés et les dynamiques de la
relation mandataire, 2013, Beyrouth, Presses de l'IFPO, p. 197 à 210, http://books.
openedition.org/ifpo/3182.
(7) Vuillard É., Une sortie honorable, 2022, Actes Sud, p. 105.
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https://mjp.univ-perp.fr/constit/sy1922.htm http://books http://www.openedition.org/ifpo/3182

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