Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 9

DOSSIER - LES POLITIQUES PUBLIQUES : UN CHOIX LIBANAIS ?
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1926 (3). Celui-ci défend l'idée que le confessionnalisme est un atout nécessaire
pour construire l'État libanais, en somme que la mosaïque communautaire
doit permettre d'atteindre une démocratie consensuelle, avec un partage
des pouvoirs entre les communautés dans un État faiblement interventionniste.
Ainsi, dès l'indépendance (4), Michel Chiha formalise simultanément
le principe du « laisser-faire » dans les affaires publiques et économiques.
Dans une conférence donnée en 1942 il déclare : « La politique qui nous
convient, l'économie qu'il nous faut, c'est la liberté qui est leur base même,
ce sont les libertés légitimes, dans l'ordre. » (5) Le libéralisme encadré par
l'État promu par Chiha contribue ainsi de renforcer le caractère exceptionnel
du modèle libanais dans un environnement arabe qui sera rapidement celui
des régimes autoritaires qui dominent les républiques naissantes (Syrie, Irak,
Égypte, Libye, Tunisie...).
Pour analyser les politiques publiques au Liban, y compris à l'époque
contemporaine, il faut toujours conserver à l'esprit ces deux éléments qui
structurent son identité : le confessionnalisme et le laisser-faire. Mais ces deux
facteurs en ont généré un troisième que l'on peut appeler l'ambiguïté institutionnelle
qui désigne la fluidité des rapports entre le public et le privé, le
formel et l'informel, le local et le national ainsi que la multiplicité des acteurs,
publics, privés, ou à l'intersection des deux mondes (6).
L'article proposé questionnera les rouages et dysfonctionnements de la
démocratie consensuelle et ses conséquences sur l'élaboration et la mise
en œuvre de politiques publiques. Il s'agira d'essayer de mettre en évidence
la manière dont l'ambiguïté institutionnelle générée par le système
politique libanais et stratégiquement étendue par les gouvernants actuels
conduit inéluctablement à des échecs profonds. On l'illustrera autour de
quatre exemples choisis dans des domaines très différents : la gestion
de l'électricité, celle des réfugiés, de l'université et la crise des ordures.
En guise de conclusion sera abordée la question de l'administration du port
de Beyrouth qui va mener à l'explosion du 4 août 2020, métaphore de la
faillite de l'État.
(3) Quilleré-Majzoub F., Majzoub T., « Recherche les
véritables auteurs de la
Constitution libanaise de 1926 désespérément... », RFD const. 2022/3, n° 131, p. 641
à 660, www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2022-3-page-641.htm,
https://doi.org/10.3917/rfdc.131.0641.
(4) Gaspard T., A Political Economy of Lebanon, 1948-2002: The Limits of LaissezFaire,
2004, Leiden, Brill.
(5) Conférence donnée en 1942 au Cercle de la Jeunesse catholique de Beyrouth, en
conclusion à une série de sept conférences sur « Le Liban au cours de l'histoire », in
Seurat L., Sfeir J., Une anthologie des idées politiques au Machreq et au Maghreb au
xixe
siècle, 2022, CNRS Éd., p. 93 à 95.
(6) Stel N., Hybrid Political Order and the Politics of Uncertainty. Refugee governance
in Lebanon, 2020, Abingdon, Routledge.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 1-2023

http://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2022-3-page-641.htm https://www.doi.org/10.3917/rfdc.131.0641

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