Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 101

LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DES LOIS DU PAYS DE NOUVELLE-CALÉDONIE :
ENTRE DROIT COMMUN ET SINGULARITÉS NORMATIVES
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à l'une de ses collectivités composantes. En 1994, avant même l'apparition
de la notion, le président du gouvernement de Polynésie française « déclarait
de manière prémonitoire [que] " l'idéal serait bien sûr de donner compétence
au Conseil constitutionnel, mais il n'est pas toujours bon de rêver " . Ce rêve,
c'est la Nouvelle-Calédonie qui l'a réalisé ! » (26). Il faut alors saisir la réelle
ampleur que prennent les lois du pays, fier symbole de l'autonomie avancée
exercée par le pouvoir délibérant local : de 1999 à 2019, le Congrès calédonien
adoptera 225 lois du pays (27). L'intérêt du sujet traité réside également
dans le contexte d'achèvement du processus d'autodétermination. Si l'indépendance
de la Nouvelle-Calédonie était un jour votée, il serait alors intéressant
de comparer le nouveau système avec l'ancien, encore actuel à ce jour, et
analyser les modifications mises en œuvre.
Oscillant entre droit commun et singularité normative, le contrôle des lois
du pays, envisagé comme le contrôle exercé sur « la manifestation d'un pouvoir
législatif dévolu à l'assemblée délibérante de ce territoire » (28), constituera
le cœur de notre travail de recherche, au terme duquel sera affermie
l'affirmation qu'à la collectivité sui generis qu'est la Nouvelle-Calédonie
correspond un contrôle juridictionnel sui generis adapté aux spécificités juridiques
de celle-ci.
L'enjeu qui pèse sur le contrôle exercé par la République est de permettre
la conciliation des « exigences de l'État de droit et du droit de l'État avec
celles de l'autonomie reconnue à la collectivité territoriale infra-étatique,
[alors même que ce contrôle est une] manifestation de la souveraineté de
l'État » (29). S'attachant à l'analyse du contrôle opéré sur les lois du pays,
l'étude aura pour cadre, d'une part, le rapport entretenu entre les prérogatives
de l'État - dont le contrôle de constitutionnalité - et l'aspiration à l'indépendance
et, d'autre part, la création progressive d'un État de droit particulier à
la Nouvelle-Calédonie. L'analyse conduira donc à lier droit de l'État et État
de droit en Nouvelle-Calédonie.
Pour ce faire, nous étudierons, dans un premier temps, le rôle crucial du
contrôle de constitutionnalité a priori dans la sauvegarde du droit de l'État
en Nouvelle-Calédonie (I), pour nous consacrer, dans un second temps, au
rôle crucial de mécanismes juridictionnels dans la défense d'un État de droit
calédonien (II).
(26) Faberon J.-Y., « Nouvelle-Calédonie et Polynésie française... », art. préc.,
p. 708.
(27) « Focus sur la loi du pays », Congrès de la Nouvelle-Calédonie, www.congres.
nc/lassemblee/attributions/focus-sur-la-loi-du-pays/.
(28) Brard Y., « Nouvelle-Calédonie et Polynésie française... », art. préc., p. 4.
(29) Ibid.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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