Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 119

LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DES LOIS DU PAYS DE NOUVELLE-CALÉDONIE :
ENTRE DROIT COMMUN ET SINGULARITÉS NORMATIVES
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une nouvelle fois la démonstration que l'ensemble des acteurs économiques
et sociaux saisissent l'opportunité ainsi ouverte par la nouvelle procédure. Ne
soumettant pas les autorisations de travaux de recherches minières à l'information
et à la participation du public, la disposition fut contestée à l'aune de
sa conformité à l'article 7 de la Charte de l'environnement. Même si la disposition
n'a pas été censurée, la QPC a permis de traduire en termes juridiques
une vigilance des justiciables et d'attirer l'attention des autorités locales sur la
protection due à l'environnement.
Le juge constitutionnel fut loin d'être toujours saisi en vain. Examinant
une loi du pays qui réservait le quotient conjugal aux époux qui sont tous les
deux fiscalement domiciliés en Nouvelle-Calédonie (125), le Conseil a jugé
que la « différence de traitement instituée n'est pas justifiée par une différence
de situation en rapport avec l'objectif poursuivi [et, par suite, la disposition
contestée] méconnaît le principe d'égalité devant la loi ». Il est clair que, sans
la QPC, une telle loi du pays préjudiciable aux droits et libertés fondamentaux
aurait perduré dans l'ordre juridique calédonien. Plus récemment, le Conseil
censurera plusieurs dispositions d'une loi du pays qui portaient « à la liberté
d'entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi
» (126) et déclarera conformes à la Constitution les dispositions d'une loi
du pays, après avoir opéré un contrôle approfondi le conduisant à examiner les
travaux préparatoires de celle-ci et à formuler une réserve d'interprétation permettant
de préserver le principe d'égalité devant les charges publiques (127).
La procédure QPC apparaît donc comme un instrument de protection de
l'État de droit en Nouvelle-Calédonie contre les dérives du droit de l'État
calédonien. La construction d'un État de droit spécifique est bien avancée
avec les lois du pays dès lors que le concept suppose que les autorités politiques
locales puissent adopter leurs propres lois. Mais son parachèvement
impose que ces autorités se soumettent au droit qu'elles émettent. La QPC
y contribue. Néanmoins, le contrôle de constitutionnalité n'est pas effectué
par un juge constitutionnel local, si bien que le non-achèvement d'un État de
droit calédonien réside dans le fondement même du contrôle de son respect.
Un État de droit calédonien indépendant de l'État de droit national ne saurait
être trouvé autrement que par l'indépendance, à défaut de quoi la NouvelleCalédonie
- sans Constitution propre - restera soumise à la norme suprême
française, au juge constitutionnel français et in fine à l'État de droit français.
Il ne faut cependant pas y voir un constat d'échec de la procédure QPC en
Nouvelle-Calédonie envisagée comme artisan de la construction d'un État de
droit spécifique. En effet, la mise en cause d'une loi du pays étant désormais
(125) Cons. const., 10 mai 2016, n° 2016-539 QPC, Eve G.
(126) Cons. const., 12 avr. 2019, n° 2019-774 QPC, Société Magenta Discount.
(127) Cons. const., 7 janv. 2020, n° 2019-819 QPC, Société Casden Banque
populaire.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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