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L'INTROUVABLE DÉCENTRALISATION DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE (1982‑2022) 1533
A. - Une péréquation tarifaire hermétique à la décentralisation
de la politique énergétique
Instinctivement, tout juriste de droit public fonderait la péréquation tarifaire
sur la théorie générale de l'État et le présupposé héritage jacobin - tropisme
publiciste, s'il en est. En droit local de l'énergie, ce n'est pourtant pas ce qui
ressort des travaux de recherche de François-Mathieu Poupeau, spécialiste de
l'histoire de la décentralisation énergétique. Il ressort de ses travaux que cette
« opération qui consiste à appliquer un tarif commun à une catégorie d'usagers,
et ce, indépendamment des coûts de revient propres aux territoires sur
lequel ils se trouvent » (15), se fonderait plutôt sur la construction du prix
de l'électricité et du gaz (16). Il serait d'ailleurs juridiquement incorrect de
fonder cette péréquation sur le principe d'égalité, cette fois-ci issu des « lois
de Rolland », les spécificités géographiques ou techniques du service public
de l'électricité et du gaz pouvant justifier une différence de traitement.
Toujours selon François-Mathieu Poupeau, la péréquation tarifaire, pour
le secteur de l'énergie, aurait eu pour origine la pression politique de la
Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et par
extension la pression politique des élus locaux. La FNCCR aurait eu un rôle
politique dès les décrets-lois du 30 octobre 1935 et 17 juin 1938, puis après la
nationalisation de 1946 lors des négociations avec Gabriel Dessus et Marcel
Boiteux qui, à l'EDF, prônaient une tarification au coût marginal et étaient
hostiles à toute idée de péréquation (17). Après des années de tractations, le
choix du tarif universel fut fixé pour l'année 1966 (18), mais la « péréquation
géographique nationale des tarifs » ne fut introduite législativement qu'avec la
loi du 10 février 2000 (19).
Ayant pourtant comme origine la pression politique de la FNCCR, la
péréquation géographique nationale des tarifs paraît être aujourd'hui un
instrument entre les mains de l'État pour centraliser - ou recentraliser - la
politique énergétique, à l'instar de la péréquation financière des collectivités
territoriales pour la politique territoriale (20). En effet, à « partir du moment
(15) Poupeau F.-M., « La fabrique d'une solidarité nationale. États et élus ruraux dans
l'adoption d'une péréquation des tarifs de l'électricité en France », RF sc. pol. 2007/5,
p. 599.
(16) Ibid., p. 600.
(17) Ibid., p. 601 à 618.
(18) « Un nouveau tarif des prix de l'électricité sera appliqué d'ici à la fin de 1966 »,
Le Monde 21 oct. 1966.
(19) L. n° 2000-108, 10 févr. 2000 relative à la modernisation et au développement
du service public de l'électricité, art. 2.
(20) Cette constatation est posée dans la récente thèse de Vincent Sempastous, « La
péréquation financière en droit des collectivités territoriales », Université Toulouse I
Capitole, 2020.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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