Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 16

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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
toute confusion entre information et divertissement ». Il faut des obligations
de moyens pour la rendre effective, par exemple le nombre de journalistes qui
participent à la fabrique de l'émission. La présence de comités d'éthique relatifs
à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des
programmes (CHIPIP) est inscrite dans la convention des chaînes. Elle représente
une avancée majeure (19) mais son renforcement serait utile, notamment
pour les groupes qui détiennent une chaîne d'information en continu, un comité
d'éthique spécifique devrait être dédié, de même le mandat des membres est de
3 ans, celui-ci peut être actuellement renouvelé sans précision dans le temps.
Une précision à une seule fois pourrait être apportée. Enfin, une dernière illustration
vient se heurter à la liberté d'entreprendre mais pose toutefois question.
Une partie des demandes des journalistes de la rédaction d'I-Télé portait
sur la nécessité du non-cumul des fonctions de directeur de la rédaction et
de directeur général pour renforcer l'indépendance de la rédaction et garantir
la non-influence des intérêts commerciaux d'une chaîne sur la fabrique de
l'information. Cette mesure forte ne s'est pas retrouvée dans la délibération au
motif louable d'une atteinte à la liberté d'entreprendre, à qui revient la liberté
de déterminer l'organisation et l'affectation des postes au sein de son entreprise.
Toutefois, le Conseil constitutionnel a érigé le pluralisme interne au rang
d'objectif à valeur constitutionnelle et la loi du 14 novembre 2016 y participe.
Le bon sens voudrait que l'entreprise de médias soit regardée avec ses spécificités
de « véhicule » de biens publics, et dès lors considérer que la séparation
des pouvoirs est l'un des moyens au sein de l'entreprise pour l'atteindre. Ainsi,
la loi Bloche représente une avancée certaine pour l'indépendance de l'information,
certaines mesures doivent être affermies et sanctionnées plus lourdement
en cas de manquements. Avec cette loi, le régulateur est devenu celui qui
donne accès au marché des fréquences issues du domaine public (la gratuité
en échange d'obligations), l'émetteur de normes (études, chartes, baromètres)
et celui qui sanctionne les manquements aux normes. N'est-ce pas à revoir ?
C. - L'indispensable échelle européenne
Les entreprises médiatiques sont plongées dans l'économie numérique
où la dynamique et les conséquences de la concentration sont structurelles,
permettant aux positions dominantes d'être favorisées. Les GAFAM en
position hégémonique, avec des modèles qui s'appuient sur des compétences
technologiques (algorithmes et intelligence artificielle) qui leur permettent
la collecte massive des données, leur exploitation et leur stockage,
le tout participe à la constitution de très vastes ensembles congloméraux. On
comprend alors que seul un espace médiatique européen peut relever le défi
(19) On les trouve dans les conventions des chaînes à l'article 2-3-10 : « comité relatif
à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes ».
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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