Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 181

LES FAITS ET LE POUVOIR DU JUGE CONSTITUTIONNEL : DEUX MODÈLES D'ACTION
PROCESSUELLE LÉGITIME ÉTUDE DE CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL COMPARÉ
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strictement processuelle du juge constitutionnel et, en particulier, de sa politique
factuelle.
Selon l'analyse stratégique des institutions, « tous les acteurs sont mus par
un ressort identique, celui de leur intérêt. Chacun est réputé se comporter de
la manière qui est pour lui la plus avantageuse » (16). Le juge constitutionnel
« doté d'une propension à vouloir défendre sa sphère de compétence, à
préserver son existence institutionnelle, ainsi qu'à maintenir ou optimiser
son pouvoir, notamment en fournissant des justifications institutionnellement
acceptables de ses choix » (17) peut indistinctement choisir de s'impliquer
dans la recherche des faits ou de s'abstenir de leur traitement. Les faits se
présentent ainsi comme un outil argumentatif au terme duquel le juge constitutionnel
cherche à maximiser son pouvoir. Comme l'observe Véronique
Champeil-Desplats, l'interprétation classique du concept de légitimité développé
par Max Weber désigne « un horizon de sens susceptible d'orienter
l'action » (18). Or, ces maximes ne sont pas toujours compatibles : « il est
tout à fait envisageable qu'un individu ou un groupe d'hommes agissent
concomitamment selon plusieurs maximes qui, éventuellement, le conduiront
à des actions contradictoires » (19). Il est possible qu'il en aille de même pour
les faits. Plusieurs types de comportements peuvent être perçus comme légitimes
et contribuer de la sorte à la maximisation du pouvoir.
Les modèles proposés sont une construction théorique approximative qui
ne peut être que partiellement représentative de la pratique juridictionnelle.
La mise à l'épreuve des modèles (II) doit donc succéder à leur conceptualisation
(I).
I. - La construction de deux modèles légitimes
Deux idéaux-types de juges sont souvent reflétés dans les discours des
acteurs et de la doctrine constitutionnels. Le premier modèle reflète une maximisation
des pouvoirs instructeurs du juge alors que le second reflète une
déférence factuelle vis-à-vis du législateur. Les deux modèles reposent sur
deux logiques de l'office procédural du juge constitutionnel complètement
différentes et opposées. L'opposition entre le modèle du juge enquêteur (A)
(16) Meunier J., Le pouvoir du Conseil constitutionnel. Essai d'analyse stratégique,
1994, Paris-Bruxelles, LGDJ-Bruylant, préf. Troper M., p. 24.
(17) Champeil-Desplats V. et Troper M., « Proposition pour une théorie des
contraintes juridiques », in Troper M., Champeil-Desplats V. et Grzegorczyk C. (dir.),
Théorie des contraintes juridiques, 2005, Paris-Bruxelles, LGDJ-Bruylant, La pensée
juridique, p. 15.
(18) Champeil-Desplats V., Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République, op. cit., p. 227.
(19) Ibid.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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