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LES FAITS ET LE POUVOIR DU JUGE CONSTITUTIONNEL : DEUX MODÈLES D'ACTION
PROCESSUELLE LÉGITIME ÉTUDE DE CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL COMPARÉ
B. - Le modèle du juge déférent et les faits :
une légitimation à travers la délimitation de son office
Ainsi que le précise Audrey Michel, « la doctrine de la retenue judiciaire
trouve son fondement autour de deux idées : celle de la capacité du législateur
à établir les faits et celle de sa légitimité démocratique » (33). Dans le même
sens, d'autres auteurs se réfèrent à la « légitimité » et à l'« expertise » comme
les deux motifs principaux de la déférence envers les autres pouvoirs (34).
Le fondement de la légitimité correspond à une « discrétion normative » (35)
alors que le fondement de l'expertise correspond à une « déférence empirique
» (36). La doctrine de la retenue judiciaire dans le traitement des faits
est ainsi fondée sur deux conceptualisations de la compétence différentes. La
première est liée à la performance institutionnelle alors que la seconde est liée
à la répartition des compétences institutionnelles selon le design constitutionnel
d'un ordre juridique donné.
Eu égard à la « performance institutionnelle comparée » (37), il s'agit de
comparer la capacité du législateur dans le traitement des faits, du point de
vue de sa supériorité épistémique. L'argument de la performance institutionnelle
est souvent lié aux ressources qui se trouvent à la disposition du législateur.
Or, ces ressources peuvent concerner à la fois les moyens structurels
à l'instar du budget et la qualification du personnel à l'instar de l'expertise.
Selon la littérature étasunienne, le juge constitutionnel n'est pas suffisamment
équipé ou n'est pas le mieux équipé pour réunir les éléments de preuve à
l'inverse du législateur qui dispose des ressources substantielles pour réunir et
trier les informations (38). C'est pourquoi « les juges ne doivent pas remettre
(33) Michel A., « Le recours au mode de preuve scientifique dans le contentieux
constitutionnel des droits et libertés. Recherche comparée sur les méthodes des juges
américain et canadien », op. cit., p. 285.
(34) Elliott M., « Proportionality and Deference: The Importance of a Structured
Approach », in Forsyth C. et al. (dir.), Effective Judicial Review: A Cornerstone of
Good Governance, 2010, Oxford, Oxford University Press, p. 264 à 285, p. 269.
(35) Alexy R., A Theory of Constitutional Rights, 2010, Oxford, Oxford University
Press, trad. angl. Rivers J., p. 393, 414 et 415. Pour une distinction entre « retenue »
et « déférence », v. Rivers J., « Proportionality and Variable Intensity of Review »,
Cambridge Law Journal 2006, vol. 65, n° 1, p. 174 à 207.
(36) Elliott M., « Proportionality and Deference: The Importance of a Structured
Approach », op. cit., p. 269.
(37) Cross F. B., « Institutions and Enforcement of the Bill of Rights », Cornell Law
Review 2000, vol. 85, p. 1529 à 1608 ; Yowell P., Constitutional Rights and Constitutional
Design. Moral and Empirical Reasoning in Judicial Review, 2018, Oxford, Hart.
(38) Charlow R., « Judicial Review, Equal Protection, and the Problem with
Plebiscites », Cornell Law Review 1994, vol. 79, n° 3, p. 527 à 630, v. spéc. p. 578 ;
Hessick F. A., « Rethinking the Presumption of Constitutionality », Notre Dame Law
Review 2010, vol. 85, n° 4, p. 1447 à 1504, spéc. p. 1473.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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