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LES FAITS ET LE POUVOIR DU JUGE CONSTITUTIONNEL : DEUX MODÈLES D'ACTION
PROCESSUELLE LÉGITIME ÉTUDE DE CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL COMPARÉ
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souvent son absence de recours à l'enquête par la répartition des compétences
entre le législateur et le juge, l'évaluation des faits appartenant à la compétence
du premier (57).
Une partie de la doctrine constitutionnaliste semble en effet prôner un modèle
de juge déférent à l'égard de l'appréciation des faits par le législateur dans le
contexte où les preuves issues des sciences sociales présentent un caractère non
concluant. Ainsi que le précise Niels Petersen, « l'incertitude empirique est la
principale justification de la marge d'appréciation accordée au législateur. Dans
une telle situation, faire des hypothèses factuelles n'est pas une question de plus
ou de moins de rationalité, mais plutôt une question de préférences sociétales en
matière de risque » (58). Le juge doit témoigner d'une déférence à l'égard du
législateur lorsque les preuves empiriques aboutissent à un résultat indéterminé.
Tel est notamment le cas lorsque les rapports d'expert disponibles aboutissent
à des conclusions contradictoires. C'est la raison pour laquelle Víctor Ferreres
Comella suggère une présomption de validité de la loi et « une possibilité de
contrôle qu'à l'avenir, lorsque des éléments probants plus riches seront disponibles
» (59). Toutefois, cette approche n'est pas toujours exempte d'incertitudes,
car « il appartient aux juges de décider sur le caractère non concluant
des preuves des sciences sociales » (60). Or, la détermination du caractère non
concluant est souvent l'objet de nombreux désaccords parmi les juges constitutionnels
(61). Ainsi, la conceptualisation de ce modèle tient également compte
de la méta-incompétence du juge constitutionnel qui consiste en une incompétence
pour apprécier des éléments scientifiques contradictoires qui sont à sa
disposition. Une attitude de déférence est également prônée lorsque la preuve
porte sur des faits prospectifs. Certains auteurs considèrent que l'enquête sur
les faits prospectifs dans le contrôle de proportionnalité peut témoigner d'un
empiétement sur les compétences du législateur (62). Un juge totalement déférent
idéal-typique doit ainsi exprimer une déférence tant dans le cas des faits
incertains que dans le cas des faits futurs.
(57) V. par ex. Iannuzzi A., « Istruttoria e valutazioni tecnico-scientifiche », Rivista
del Gruppo di Pisa 2017, n° 1, p. 1 à 33, p. 12 à 17.
(58) Petersen N., « Avoiding the common-wisdom fallacy: The role of social
sciences in constitutional adjudication », art. préc., p. 311.
(59) Ferreres Comella V., Justicia constitucional y democracia, 3e
éd., 2021, Madrid,
Centro de estudios políticos y constitucionales, Estudios constitucionales, p. 272.
(60) Petersen N., « Avoiding the common-wisdom fallacy: The role of social
sciences in constitutional adjudication », art. préc., p. 311.
(61) V. par ex. à ce titre, et à propos du cas canadien, Choudhry S., « So What Is the
Real Legacy of Oakes? Two Decades of Proportionality Analysis under the Canadian
Charter's Section 1 », Supreme Court Law Review 2006, vol. 35, n° 2d, p. 501 à 535,
spéc. p. 527 et 528.
(62) Carter A., Proportionality and facts in constitutional adjudication, 2021, Oxford,
Hart Publishing,, p. 60.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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