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NEFELI LEFKOPOULOU
Un positionnement similaire résulte de la pratique espagnole. Dans le
cadre d'une affaire portant sur le droit à la vie de l'embryon, le juge constitutionnel
affirme qu'« il y a lieu de faire abstraction de tout élément de
jugement qui ne serait pas strictement juridique, étant donné que toute autre
chose serait en contradiction avec l'impartialité et l'objectivité du jugement
inhérent à la fonction juridictionnelle » (83). La perception de sa fonction
reflète donc une prudence vis-à-vis d'une question à la fois technique et politiquement
sensible (84). La même politique de déférence factuelle concerne
la Cour constitutionnelle fédérale allemande pour des matières complexes,
instables et incertaines. C'est le cas en matière de politique extérieure et
de politique économique (85). Par exemple, dans la décision relative à un
nouveau système de subvention dans le secteur agricole, la Cour affirme
que « pour évaluer l'évolution future de l'agriculture, le législateur dispose
d'une marge de manœuvre en matière de prévision et d'organisation qui,
compte tenu de la complexité de la matière, est très large » (86). Le juge
constitutionnel allemand reste également réservé lorsque la preuve porte sur
les pronostics factuels futurs du législateur (87). Néanmoins, il résulte de
l'examen de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale que le
juge peut se permettre un contrôle de l'arbitraire (88). Il peut éventuellement
réduire la marge de pronostic du législateur selon le droit fondamental
potentiellement atteint ou selon la gravité de la violation du droit fondamental
atteint.
Il s'ensuit que la stratégie de la retenue factuelle ne varie pas considérablement
selon le système de contrôle - diffus ou concentré - ni selon les modalités
de la saisine que celles-ci concernent le moment temporel - a priori ou
JP Blog 21 févr. 2019, https://blog.juspoliticum.com/2019/02/21/misere-du-controlede-constitutionnalite-
des-lois-en-france-la-decision-relative-a-lincrimination-desclients-des-prostitues-par-patrick-wachsmann/.
(83)
T. const. Espagne, STC 53/1985, FJ n° 1.
(84) Lagrave C., « Le caractère concret du contrôle de constitutionnalité a posteriori
dans les modèles espagnol, italien et français », in Gay L. (dir.), La question prioritaire
de constitutionnalité. Approche de droit comparé, 2014, Bruxelles, Bruylant, À la croisée
des droits, vol. 11, p. 237 à 262, p. 248.
(85) Ossenbühl F., « Die Kontrolle von Tatsachenfeststellungen und Prognoseentscheidungen
durch das Bundesverfassungsgericht », in Drath M. et Starck C. (dir.), Bundesverfassungsgericht
und Grundgesetz, t. 1, Verfassungsgerichtsbarkeit, 1976, Tubingue, Mohr
Siebeck, p. 458 à 518, p. 505. V. par ex. la décision relative au stockage minimum de
produits pétroliers, C. const. fédérale Allemagne, BVerfGE 30, 292 (1971).
(86) C. const. fédérale Allemagne, BVerfGE 122, 1, 34 (2008).
(87) V. par ex. Melin C., « Faits et preuves dans le jugement de constitutionnalité de
la loi en Allemagne », à paraître. V. également C. const. fédérale Allemagne, BVerfGE
146, 71, 126-127 (2017), § 162 ; BVerfGE 50, 290, 332-333 (1979), § 131 ; BVerfGE
19, 119, 127 (1965), § 19.
(88) V. par ex. C. const. fédérale Allemagne, BVerfGE 19, 119, 127 (1965), § 19.
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