Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 195

LES FAITS ET LE POUVOIR DU JUGE CONSTITUTIONNEL : DEUX MODÈLES D'ACTION
PROCESSUELLE LÉGITIME ÉTUDE DE CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL COMPARÉ
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a posteriori - ou le moment procédural - voie principale ou voie incidente. Il
est au contraire possible de se demander si le degré de retenue factuelle varie
selon l'objet du contrôle et précisément si une absence de retenue peut être
envisagée en matière de protection des droits fondamentaux.
B. - Un contrôle indépendant des faits en matière
de protection des droits et libertés fondamentaux
La « théorie des personnages juridiques » (89) soulève le problème des
dilemmes auxquels sont confrontés les acteurs juridiques dans l'interprétation
de leur rôle. La pluralité d'auditoires peut notamment impliquer des actions
contradictoires. Mikhaïl Xifaras note à ce titre que « [si] les contraintes liées
à la nécessité de convaincre varient selon les publics, l'officier se trouvera
vraisemblablement soumis à des exigences rhétoriques contradictoires, qui
pourront se présenter à lui comme des dilemmes et l'exposer à des conflits
de rôle » (90). De même, dans sa modélisation des « personae constitutionnelles
», Cass R. Sunstein note que le même juge peut simultanément
incarner plusieurs personae ou changer de persona d'un cas à l'autre. Les
raisons de cette combinaison ou de ce changement peuvent être d'ordre stratégique,
notamment si elles trouvent leur origine dans l'anticipation des réactions
publiques (91). Il est possible qu'il en aille de même pour le traitement
des aits.
Le contrôle indépendant des faits peut, par exemple, être fondé sur l'un de
deux objectifs principaux du contrôle de constitutionnalité de la loi, la protection
des droits fondamentaux.
La doctrine de la retenue judiciaire est, par exemple, écartée aux ÉtatsUnis
si une loi risque de violer les droits constitutionnels protégés par le Bill
of Rights. C'est souvent le fondement employé par le juge Brennan afin de
remettre en cause les appréciations factuelles du législateur (92). Ses opinions
dans l'affaire McCleskey v. Kemp (93) portant sur la constitutionnalité de
l'application de la peine de mort dans l'État de Géorgie et dans l'affaire Craig
v. Boren (94) portant sur les classifications sexuelles statutaires ou administratives
en offrent l'illustration. De même, dans l'affaire Gonzales v. Carhart
portant sur le droit à l'avortement, tout en soulignant qu'elle doit examiner les
« enquêtes législatives selon une norme de retenue », la Cour ajoute qu'elle
(89) Xifaras M., « Théorie des personnages juridiques », RFDA 2017, p. 275 à 287.
(90) Ibid., p. 278.
(91) Sunstein C. R., Constitutional Personae, op. cit., p. 3 et 4.
(92) Hashimoto D., « Justice Brennan's Use of Scientific and Empirical Evidence in
Constitutional and Administrative Law », Boston College Law Review 1991, vol. 32,
n° 4, p. 739 à 756, p. 747.
(93) C. suprême États-Unis, McCleskey v. Kemp, 481 U.S. 279 (1987).
(94) C. suprême États-Unis, Craig v. Boren, 429 U.S. 190 (1976).
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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