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MANUEL TIRARD
angulaire de la réalité de la libre administration. On touche là à la notion
de ressources propres, qui peuvent se définir comme les ressources, surtout
fiscales, touchant les citoyens/contribuables, pour lesquelles les entités infracentrales
disposent, en totalité ou en partie, d'un pouvoir (surtout d'assiette
et/ou de taux) qui ne dépend pas, au moins entièrement, de l'entité centrale.
L'éventuelle autonomie fiscale renvoie à l'existence de marges de manœuvre
elles-mêmes susceptible de degrés.
Dans ce cadre, il est classique de constater une baisse de l'autonomie fiscale
et financière locale en France et de le regretter. Sur le constat, le Conseil constitutionnel
a clairement déclaré en 2009 que les collectivités territoriales ne bénéficiaient
d'aucune autonomie fiscale au titre de garanties constitutionnelles (1).
Par ailleurs, les réformes depuis une dizaine d'années, toutes validées par le
Conseil, appuient cette réalité : transformation de la taxe professionnelle en une
contribution économique territoriale elle-même en perte de vitesse ; suppression
de la taxe d'habitation sur les résidences principales ; transferts croissants d'une
part de TVA sur laquelle les collectivités n'ont aucun pouvoir, etc. En synthèse,
et cela reste juridiquement cohérent avec le modèle de l'État unitaire français
même si l'on peut politiquement le déplorer, c'est bien l'État qui est le maître
du jeu des relations financières avec le niveau local.
Cela étant, la grande majorité des acteurs impliqués se retrouve pour retenir
que cette absence d'autonomie fiscale est un problème, rendant ineffective
l'autonomie financière locale. Il en va d'abord ainsi de la doctrine. De nombreuses
contributions sur le sujet interrogent les évolutions contemporaines (2)
pour, fréquemment, les désapprouver. Aurélien Baudu le résume en retenant
qu'il « est généralement observé par la doctrine que les collectivités locales
sont des " mineurs en tutelle " en quête d'émancipation fiscale » (3). Au-delà
d'une doctrine abondante, les élus locaux sont vent debout contre les réformes
récentes et ils font de l'octroi de marges de manœuvre fiscales locales une
revendication primordiale. Les élus nationaux ne sont pas en reste. Par
exemple, en juin 2023, le rapporteur général du Budget à l'Assemblée, JeanRené
Cazeneuve, a proposé d'intégrer l'« autonomie fiscale » dans la Constitution
pour protéger le pouvoir de taux des élus locaux. On en trouve encore
une trace concrète dans les revendications de la majorité des élus nationalistes
de la collectivité de Corse, ou encore dans l'appel de Fort-de-France de 2022
concernant la majorité de l'outre-mer. Enfin, la simple logique semble corroborer
la nécessité d'une latitude fiscale accrue. En effet, elle paraît moderne
en responsabilisant les décisionnaires dans les collectivités et en établissant un
(1) Cons. const., 29 déc. 2009, n° 2009-599 DC, Loi de finances pour 2010, cons. 64.
(2) Par ex. Ayrault L., « L'autonomie fiscale des collectivités territoriales en question
: réflexions sur sa remise en cause », in Leroy M. (dir.), L'autonomie financière
des collectivités territoriales, 2017, Economica, p. 169 à 178.
(3) Baudu A., « La réforme fiscale locale : une autonomie fiscale au point mort ? »,
RFDA 2020, p. 999-1005, spéc., p. 999.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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