Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 211

POUR UNE APPROCHE CRITIQUE DE L'AUTONOMIE FISCALE LOCALE
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régalien, encore faut-il rappeler que le contribuable à Nouméa ne les finance
aucunement par l'effort fiscal. Ensuite et peut-être surtout, l'État assure la
charge financière de compétences déjà transférées, surtout dans le coûteux
domaine de l'éducation. Le contribuable calédonien n'en assure à nouveau
pas le financement à double titre : il ne paie d'impôts ni à l'État ni localement,
alors que toutes les manettes fiscales susceptibles d'en assurer la prise
en charge sont entre les mains de la Nouvelle-Calédonie. La solidarité nationale
continue donc à jouer à plein puisque les contribuables métropolitains
« aident » unilatéralement leurs homologues calédoniens, qui sont soumis à
des prélèvements plus faibles que dans l'Hexagone (10 points de moins environ
de PIB), avec pourtant un niveau de services publics, donc de dépenses,
proche. On pourrait le comprendre si la Calédonie était pauvre ; ce n'est pas
le cas en pratique. Certes, le droit commun des collectivités territoriales est
appliqué en Nouvelle-Calédonie, obligeant l'État à compenser les transferts
de compétences (art. 72-2, al. 4 préc.). Mais cela a-t-il un sens dans une entité
qui relève d'un droit exceptionnel (titre XIII) et qui a tous les leviers pécuniaires
pour « vraiment » s'administrer librement ?
La pure logique juridique laisse place en Nouvelle-Calédonie à une rationalité
renvoyant à une présence française partout dans le monde qui semble
justifier des solutions que l'on peut a minima considérer comme « étonnantes
» (28). Est-ce cela que l'on veut généraliser ? Clairement non, car de
telles relations financières déséquilibrées ne sont pas viables.
Si certains objectifs liés à la libre administration, comme rapprocher les
citoyens des décisions locales, sont tout à fait recevables, d'autres aspects ne
doivent pas être négligés. Le risque majeur est celui d'un nouvel « égoïsme
territorial » (29). Ce serait d'autant plus problématique qu'on rentrerait en
opposition frontale avec la rationalité de l'État unitaire français. En effet,
la redistribution territoriale, si elle existe dans les États unitaires mais aussi
fédéraux, reste malgré tout, du fait de la nature même d'un fédéralisme qui
valorise l'autonomie infra-fédérale (30), normalement plus avancée dans les
premiers que dans les seconds (31).
La menace est d'autant plus réelle que cet égoïsme territorial se double
d'un versant interpersonnel. Si les deux sont liés, il convient de les distinguer
pour en mesurer les enjeux.
(28) Ibid., p. 320 et s.
(29) Davezies L., Le nouvel égoïsme territorial : le grand malaise des nations, 2015,
Seuil.
(30) Bonnet F. et al., « Les inégalités de revenu entre départements français depuis
cent ans », art. préc., p. 62.
(31) Une conclusion différente pourrait concerner l'Allemagne, dont le fédéralisme
est parfois qualifié d'« unitaire ».
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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