Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 222

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LAURENT FONBAUSTIER
juridique est bien souvent plus que malaisée : interactions, effets « cocktail »
ou « rebond » (pour ne pas écrire « de bordure »), coagulations multifactorielles,
tant de phénomènes concourent à l'explosion des causalités simples
et des imputations faciles. Et il faut bien dire, ici, que dans la fabrique des
constats tout autant que dans le labyrinthe des normes, la transparence ne
règne pas toujours en maîtresse. En épistémologue en effet, on ne saurait, sans
un constant souci d'inventaire, tenir aujourd'hui et plus encore demain pour
acquis ce qui hier encore nous laissait superbement indifférents.
C'est donc cernée de pièges et de chausse-trapes que notre collègue Sarah
Brimo se saisit très courageusement de ce sujet. Car aborder la santé environnementale
en juriste, c'est se préparer à devoir bousculer un certain ordre établi,
à innover conceptuellement, mais aussi à devoir fouiller pour trouver dans
les ordres juridiques eux-mêmes matière à aborder efficacement et en toute
clairvoyance ce sulfureux objet. Si, en effet, le consensus scientifique semble
toujours plus consolidé quant à la relation entre santé et environnement, et
alors qu'un nombre grandissant de disciplines se l'approprie (Introduction,
p. 13), la manière dont le droit y réagit se déploie dans un champ largement
en friches.
Le plan de l'ouvrage est particulièrement dynamique, qui enchaîne et articule
concepts, objets, outils et acteurs et les arrime à une heureuse déclinaison
de mutations, autour des idées d'émergence, d'élargissement, d'adaptation et
de renouvellement. Dès l'introduction, on ressent le souci prometteur, chez
l'autrice, d'une convocation de champs disciplinaires qui permettent de dépasser
l'approche purement descriptive : l'histoire, la science administrative et
la science politique, certains regards permettent d'indiquer à quel point le
lien intime entre santé et environnement n'est pas simplement la cause d'une
action des pouvoirs publics mais l'occasion plus profonde d'un accueil et
d'une réaction des politiques publiques et, partant, de l'intervention collective
aux problématiques sociales et sociétales en constant mouvement. Le partipris,
qui nous semble hautement légitime (le sujet épousant ici la démarche),
de l'ouvrage est donc d'ordre systémique, accompagnant fort bien l'analyse de
ce concept intégrateur qu'est la santé environnementale (Introduction, p. 23).
Le concept de santé environnementale ne pouvait donc émerger (chap. 1,
p. 31 à 82) sans une prise de conscience résultant elle-même de la convergence
de nombreux facteurs (p. 31). Les développements empruntent la voie
féconde de l'histoire de l'hygiène publique comme « préalable ». Bien avant
la révolution pastorienne et les courants associés de la fin du xixe
siècle,
le rapport Villermé sur l'industrie textile (1832) alerte sur les conséquences
sanitaires de l'essor industriel. L'époque est caractérisée par une effervescence
de travaux de toutes sortes, de la littérature à la médecine, en passant
par l'outil statistique, qui contribuera à l'émergence des futures taxonomies
relatives aux maladies professionnelles ainsi qu'à la législation, de plus en
plus restrictive, sur le travail des enfants. La confluence des connaissances
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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