Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 223

SARAH BRIMO, LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE. UNE APPROCHE JURIDIQUE
(DALLOZ, COLL. « LES SENS DU DROIT », 2023)
1627
accélère la conscience d'une « solidarité épidémique » (dont la crise « Covid »
fournira l'illustration mondialisée bien plus près de nous), et l'idée se fraie
timidement un chemin selon laquelle la protection de la santé publique doit
faire l'objet d'une intervention politique et des autorités administratives centrales
(p. 37). La création du Comité consultatif d'hygiène publique (ancêtre
de notre actuel ministère de la santé), en 1848, marque une étape importante
sur ce long chemin. Son approche pluridisciplinaire peinera cependant à transformer
l'appréhension encore très parcellaire de cette « affaire d'État » qu'est
alors en passe de devenir l'hygiène publique. Il faut dire que le libéralisme
ambiant, qui prône la méfiance à l'endroit de toute immixtion administrative
dans l'exercice des libertés individuelles alors en plein débat sur la légitimité
de l'intervention de l'État (p. 46), se satisfait pleinement d'un éclatement
du traitement des causes du désordre à l'échelon municipal. En témoigne la
grande loi du 13 avril 1850 sur les logements insalubres : elle se saisit nationalement
du problème pour mieux rétrocéder aux communes certaines compétences
quant à son traitement. Comme sur tant d'autres sujets, les normes
d'alors se caractérisent par leur morcellement et de fâcheuses inégalités de
branches et territoriales (p. 42). L'absence cruelle d'un traitement homogène
contraste sévèrement avec les pratiques constatables au Royaume-Uni à la
même époque. Le dynamisme des recherches médicales explique-t-il en partie
l'adoption, en 1902, de la première authentique loi relative à la protection
de la santé publique orientée par le triptyque « vacciner, déclarer, désinfecter
» ? En ce début de xxe
siècle où se redéfinissent les liens entre « centre
et périphérie », un équilibre semble trouvé entre les compétences locales et
des dispositions nationales suffisamment précises et variées, sous le contrôle
du préfet ; au point qu'il n'est pas excessif de parler d'une politique de santé
publique souple mais centralisée (p. 49), dont l'effectivité restera néanmoins
longtemps incomplète. Une plus grande efficacité se dessinera lorsque, à partir
du milieu du xxe
siècle, la prise en charge du problème sera davantage axée
sur la dimension « curative » (p. 51 à 56).
Si plusieurs « traces normatives » caractérisent le premier temps de l'histoire
de la santé environnementale, la consécration juridique multiscalaire de
cette dernière sera lente, à commencer par son ancrage dans le droit international.
Les cadres institutionnels que représentent l'Organisation mondiale de
la santé (OMS) et le Conseil de l'Europe prendront une réelle importance à
partir des années 1980. La première adoptera, non sans peine, une dimension
« intersectorielle » de la santé environnementale qui rejaillira d'ailleurs sur
la jurisprudence de la Cour de Strasbourg elle-même, dans plusieurs affaires
bien connues dans les années 1990-2000, à travers une jurisprudence essentiellement
arrimée aux articles 2 et 8 de la Convention de 1950. Dans l'autre
système européen, celui des Communautés et bientôt de l'Union, l'idéologie
inaugurale n'était vraisemblablement sensible ni aux questions de santé,
ni à celles relatives à l'environnement. Dans le traitement des relations
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023

Table des matières de la publication Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023
