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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
d'une balance des intérêts en présence : il est douteux qu'elle penche en
faveur de l'obligation.
Si cette interrogation a été réactivée devant l'opinion publique en 2023
par la vaine grève de la rédaction du Journal du dimanche contre la nomination
par le propriétaire du journal d'un nouveau directeur de la rédaction,
elle est ancienne. Sans remonter plus haut dans le temps, elle a été posée à
la Libération, sans être réglée par l'ordonnance du 16 août 1944 sur l'organisation
de la presse française. C'est peu après qu'ont été créées les premières
sociétés des rédacteurs. Leur indépendance a fait l'objet de plusieurs propositions
de loi qui n'ont pas abouti. Prévue par l'article 83 de la loi de finances
pour 1969, une commission présidée par Raymond Lindon rendit en 1970 un
Rapport sur les problèmes posés par les sociétés de rédacteurs (une trentaine
existait alors) (2). Soucieux d'éviter les risques de blocage que susciterait un
partage trop rigide du pouvoir entre la propriété et la gestion, la commission
préconisa de reconnaître aux journalistes des « pouvoirs spécifiques »
et consultatifs dans la désignation du directeur de la publication, en cas de
transfert de propriété et pour la définition de la ligne éditoriale. Mais le rapport
n'eut aucune suite. Si les manuels pionniers de droit de l'information
ont consacré quelques pages au sujet (3), celui-ci semble absent des manuels
actuels et des travaux des juristes universitaires. La situation des médias et
du droit français n'est plus du tout la même qu'à l'époque, mais les enjeux
juridiques n'ont pas beaucoup changé.
Le premier d'entre eux est de préciser les notions de rédaction et
d'indépendance (I). Le deuxième est de déterminer si une indépendance
obligatoire de la rédaction est compatible avec la liberté d'entreprendre (II).
Le troisième porte sur son insertion dans les autres aspects du droit de la
presse (III).
I. - Des notions imprécises
Une loi qui imposerait à tous les médias (ou aux médias les plus importants
et les plus « généralistes ») de doter leur rédaction (A) d'une certaine
indépendance (B) devrait faire un travail difficile de définition, indispensable
pour la délimitation de son champ d'application et la précision de son
contenu.
est l'actionnaire unique des sociétés nationales de programme qui exercent le service
public de l'audiovisuel. Le législateur pourrait tenir compte de ces « différences objectives
de situation » pour exclure du champ d'application de la loi certains médias pour
lesquels l'indépendance de la rédaction serait manifestement inadaptée.
(2) 1971, Doc. fr.
(3) V. Dumas R., Le droit de l'information, 1981, PUF, Thémis, p. 186 ; Auby J.-M.
et Ducos-Ader R., Droit de l'information, 1982, Dalloz, Précis, n° 60.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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