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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
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III. - Indépendance de la rédaction et droit de la presse
Il convient de confronter l'indépendance obligatoire de la rédaction aux
autres aspects du droit de la presse avec lesquels il faudrait la concilier.
A. - Liberté de la communication (18)
La liberté de la communication est l'une des libertés les plus affirmées
par les déclarations et conventions nationales, européennes et internationales.
Historiquement, cette liberté a été construite contre les ingérences du pouvoir
politique, mais pas contre l'État, entendu comme une personne morale. Ce
sont au contraire ses organes législatifs qui l'affirment, ses organes exécutifs
qui l'organisent et la protègent et ses organes juridictionnels qui en sanctionnent
les abus. La CEDH répète que l'article 10 de la Convention impose
aux États non seulement une obligation négative (s'abstenir d'ingérences dans
la liberté d'expression non nécessaires dans une société démocratique), mais
aussi une obligation positive (garantir effectivement la liberté des médias
et des journalistes). S'adressant aux États membres de l'Union, le projet de
règlement européen s'inscrit exactement dans cette perspective.
Imposer aux médias de donner une certaine indépendance à leur rédaction
prise comme une entité collective renforcerait-il la liberté de la presse ?
Certains le pensent, en considérant que cette liberté doit s'exercer contre tous
les pouvoirs, le pouvoir politique comme toujours, et désormais (ou à nouveau)
le pouvoir économique (19). On peut pourtant avoir un avis opposé. La
jurisprudence du Conseil constitutionnel issue de sa décision n° 84-181 DC
du 11 octobre 1984 répète que « s'agissant d'une liberté fondamentale (20),
d'autant plus précieuse que son exercice est l'une des garanties essentielles du
respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne
peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le
concilier avec celui d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ».
On ne voit pas en quoi l'indépendance de la rédaction rendrait cette liberté
plus effective : un média dont la rédaction n'est pas indépendante n'est ni plus
libre, ni moins libre au regard de la loi qu'un média dont la rédaction l'est.
On ne voit pas non plus avec quelles règles ou quels principes constitutionnels
(tels que le respect de l'ordre public ou de la vie privée...) il serait nécessaire
et la liberté de la presse.
(19) Tout au long du xixe
(18) Cette expression « liberté de la communication » englobe la liberté d'expression
siècle, le pouvoir politique avait joué du cautionnement
pour ouvrir ou restreindre la création de journaux en fonction de considérations économiques.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a interdit le recours au
cautionnement.
(20) La « libre communication des idées et des opinions » affirmée par l'article 11
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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