Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 42

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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
II. - Le régime des obligations mises à la charge
des plateformes
Le respect des obligations constitutives du devoir de coopération mis à la
charge des plateformes dans la lutte contre la manipulation de l'information
est vérifié par l'ARCOM. Toutefois, le régulateur ne dispose en la matière
que de pouvoirs très limités (A). L'espoir naît davantage d'une mise en œuvre
d'obligations équivalentes dégagées au niveau européen (B).
A. - Le contrôle interne
Se souvenant qu'à l'égard des services de radio et de télévision, l'ARCOM est
déjà chargée de veiller à l'honnêteté de l'information diffusée (L. n° 86-1067,
30 sept. 1986, art. 3-1, al. 3), le législateur français a estimé qu'elle peut également
veiller à l'honnêteté de l'information diffusée par l'intermédiaire des
plateformes en ligne. Ainsi, la loi du 22 décembre 2018 a-t-elle ouvert la voie
à l'extension des pouvoirs du régulateur à l'égard des plateformes qui ne sont
pourtant pas des services de communication audiovisuelle. Désormais, l'article
17-2 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que l'ARCOM « contribue
à la lutte contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler
l'ordre public ou de porter atteinte à la sincérité d'un des scrutins mentionnés
au premier alinéa de l'article 33-1-1 de la présente loi » (al. 1er
). Le même
texte ajoute que, « en cas de nécessité, [l'ARCOM] adresse, à ce titre, aux
opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au premier alinéa de l'article
L. 163-1 du Code électoral des recommandations visant à améliorer la lutte
contre la diffusion de telles informations » (al. 2) ; « il s'assure du suivi de
l'obligation pour les opérateurs de plateforme en ligne de prendre les mesures
prévues à l'article 11 de la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à
la lutte contre la manipulation de l'information » (al. 3).
Toutefois, l'analogie avec le droit de l'audiovisuel tourne vite court. Certes,
comme en matière audiovisuelle, l'ARCOM peut adopter des recommandations
qui identifient les « bonnes pratiques » en la matière (13). Elles constituent une
source d'informations utiles pour qui s'intéresse à la question. Mais leur mise
en œuvre n'a rien d'obligatoire et elles semblent en grande partie ignorées.
L'ARCOM constate une insuffisante mise en œuvre des mesures ainsi préconisées
sans pouvoir entrer dans le détail car elle ne dispose d'aucun pouvoir d'investigations
lui permettant de contrôler la réalité des efforts déployés par les plateformes
à ce titre (14). L'ARCOM doit se contenter d'apprécier extérieurement
(13) D'où la recommandation du CSA n° 2019-03 du 15 mai 2019.
(14) Pour 2021, l'ARCOM déplore ainsi « les lacunes répétées dans la communication
par certains opérateurs d'informations et de données chiffrées. Les justifications
fournies interrogent sur leur volonté et leur capacité à évaluer leurs propres politiques
en matière de lutte contre la manipulation de l'information » (Bilan annuel, nov. 2022,
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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