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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
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Définir ce qu'est une ingérence étrangère n'est en effet pas sans susciter
quelque difficulté, a fortiori lorsqu'il s'agit de l'attribuer à un acteur en particulier,
ceci d'autant plus que l'ingérence est définie et analysée différemment
selon le domaine d'étude, si bien qu'il n'existe pas de conception uniforme.
Les ingérences elles-mêmes sont protéiformes. Traditionnellement, l'ingérence
est définie par le Littré comme le fait de « se mêler de quelque chose
sans en avoir le droit, l'autorisation, ou sans en être requis ». Évidemment,
cette définition n'est pas suffisante puisqu'elle fait fi des multiples objectifs
visés par l'ingérence étrangère. Les travaux de deux commissions d'enquête
à l'Assemblée nationale et au Parlement européen permettent de nous éclairer.
La première qualifie l'ingérence étrangère comme « l'immixtion d'un
État dans les affaires intérieures d'un autre État. Elle présente un caractère
malveillant, toxique, voire délictueux, car elle vise à déstabiliser, à saper la
confiance dans les institutions d'un pays, à engendrer de la confusion entre le
vrai et le faux, à servir les intérêts d'une puissance étrangère, pouvant même
aller jusqu'à tenter de détruire une cible, par exemple le système démocratique
d'un État » (2). Quant à la seconde, elle la définit « dans l'espace de
l'information » comme des « efforts coercitifs et trompeurs déployés par un
acteur d'un État étranger ou des agents de celui-ci dans le but d'entraver la
formation et l'expression libres des individus » (3). On l'aura donc compris,
l'ingérence étrangère se veut ontologiquement négative et subversive. L'enjeu
est donc de taille, puisqu'il serait « civilisationnel » et « sociétal » (4). C'est
pourquoi des mesures adaptées doivent être mises en œuvre pour contrer ce
mal ancré dans les relations internationales. Dans cette bataille informationnelle,
le droit n'est ni silencieux, ni en retrait. Bien au contraire, il existe bien
un arsenal destiné à prévenir et à sanctionner les ingérences étrangères. Ces
réponses se situent sur le plan civil, pénal et administratif. C'est à ce dernier
aspect que cette étude est consacrée. La lutte contre les ingérences étrangères,
ancienne et renouvelée, se caractérise en effet par le renforcement des pouvoirs
de police administrative spéciale du numérique et de l'audiovisuel (I),
avec, en toile de fond, la protection cardinale de notre souveraineté et la sauvegarde
des intérêts fondamentaux de la Nation. C'est principalement dans le
cadre de la guerre en Ukraine que ce régime s'est exercé avec la suspension
des médias russes dans l'espace européen (II).
(2) Le Grip C., « Les ingérences étrangères visant la vie démocratique de la France,
son économie et ses savoirs, ses médias et relais d'opinion », Doc. AN, 2023, rapport
n° 1311, t. 1, p. 91.
(3) Commission européenne, communication au Parlement européen, au Conseil,
au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au plan
d'action pour la démocratie européenne, 3 déc. 2020, n° COM(2020) 790, p. 21.
(4) Ce sont les propos respectivement tenus par Marie-Christine Saragosse, PDG de
France Médias Monde et par Marc-Antoine Brillant, chef de service adjoint du service
VIGINUM (cf. infra), lors du colloque auquel ce dossier a donné lieu.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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