Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 52

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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
à la violence à l'encontre de certaines populations et minorités, légitimant
l'intervention illégale de l'armée russe en Ukraine et ne garantissant pas le
caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ». Or,
l'ARCOM est précisément chargée de veiller au respect par les éditeurs et distributeurs
de service de leurs obligations contenues dans les conventions qui
leur sont accordées au titre de l'article 42 de la loi de 1986. Elle veille également
à ce que les opérateurs de réseaux satellitaires respectent leurs obligations.
La particularité de ce litige est qu'il impliquait des chaînes de télévision
distribuées en Russie, en Biélorussie et en Ukraine, par l'intermédiaire d'une
capacité satellitaire relevant de la compétence de la France. L'ARCOM était
donc invitée par les requérants à agir au titre de ses pouvoirs de contrôle mais
a opposé à RSF son incompétence au motif « que les services de télévision
visés ne relèvent pas de la compétence de la France ». Cette incompétence
selon l'ARCOM se justifiait au regard du droit de l'Union européenne et de
sa transposition en droit interne au sein de la loi de 1986. La directive Services
de médias audiovisuels (SMA) de 2010 a été mise en place pour assurer
le bon fonctionnement du marché des médias et impose aux États membres
le respect de leur liberté de réception et de retransmission. Cette directive
prévoit une exception à son application puisque ne sont pas concernés par
ses dispositions les « services de médias audiovisuels exclusivement destinés à
être captés dans des pays tiers et qui ne sont pas reçus directement ou indirectement
au moyen d'équipements standards par le public d'un ou de plusieurs
États membres » (18). Telle était la situation litigieuse puisque les chaînes litigieuses
sont distribuées en Russie et en Biélorussie (et donc, pas dans un État
membre) et le sont de façon cryptée (donc non accessible au moyen d'équipements
standards). Lorsqu'il a transposé la directive SMA dans la loi de 1986,
le législateur n'a pas fait obstacle à une telle exception. C'est donc à bon droit
que l'ARCOM s'est jugée incompétente au titre du droit de l'Union. Seulement,
le Conseil d'État va annuler la décision sur un autre motif. L'ARCOM
n'a en effet pas recherché si elle était compétente au titre de l'article 43-6
de la loi de 1986 (19) qui fait explicitement référence à la Convention européenne
sur la télévision transfrontière (CETT) de 1989 adoptée, elle, dans le
cadre du Conseil de l'Europe. Les objectifs de cette Convention sont peu ou
prou les mêmes que ceux de la directive SMA. Néanmoins, elle a un champ
d'application plus large que cette dernière puisqu'elle concerne notamment
(18) « 6. La présente directive ne s'applique pas aux services de médias audio visuels
exclusivement destinés à être captés dans des pays tiers et qui ne sont pas reçus directement
ou indirectement au moyen d'équipements standard par le public d'un ou de
plusieurs États membres. »
(19) « La présente loi est applicable aux services de télévision dont l'éditeur relève
de la compétence de la France, selon les critères prévus par la Convention européenne,
du 5 mai 1989, sur la télévision transfrontière, et reçus par les États parties à cette
convention non membres de la Communauté européenne. »
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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