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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
les plus grandes plateformes (Twitter, Facebook, YouTube), les comptes des
médias visés par les sanctions européennes ont rapidement été bloqués pour les
utilisateurs européens dans la mesure où la sanction prise à leur encontre a eu
pour effet que de leur interdire de produire du contenu sur Internet. Toutefois, il
était toujours possible de contourner ces mesures par de simples manipulations
techniques. Ces deux mondes virtuellement séparés opposent deux puissances
qui doivent agir de concert. D'un côté, la puissance publique qui a toujours
détenu historiquement un rôle important dans le domaine audiovisuel à double
titre : « en raison des enjeux de défense qui lui sont inhérents » (23) et parce que
« la fonction de la télévision et de la radio, sources familières de divertissement
au cœur de l'intimité du téléspectateur ou de l'auditeur, renforce encore [l'impact
des médias] audiovisuels » (24). De l'autre côté se trouvent les puissances
privées étrangères (notamment les opérateurs de plateformes) qui sont tenues de
coopérer, comme elles l'ont fait avec VIGINUM dans le cadre de l'enquête précitée.
Conscient de ces difficultés, le législateur n'est pas resté inactif. Le projet
de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique actuellement en examen
au Parlement ambitionne de combler les faiblesses du droit existant. Le texte
élargit le champ de compétences de l'ARCOM. L'autorité pourra désormais
mettre en demeure non seulement les éditeurs, distributeurs et opérateurs de
réseaux satellites, mais aussi les prestataires auxquelles ces personnes recourent
(fournisseurs d'hébergement et fournisseurs d'accès Internet) ainsi que les services
de médias audiovisuels à la demande (25) extracommunautaire diffusés
en France. En matière numérique, le projet de loi viendra compléter la loi pour
la confiance dans l'économie numérique du 24 juin 2004 de telle manière que
l'ARCOM pourra mettre en demeure les personnes dont l'activité est d'offrir
un accès à des services de communication au public en ligne (il s'agit des éditeurs
et des hébergeurs, comme les réseaux sociaux par exemple) et ordonner
le retrait de certains contenus en cas de manquement à leurs obligations. De
lourdes sanctions financières pourront également être prononcées. Toutes ces
mesures n'ont pour objectif que de mettre concrètement en œuvre et le plus
rapidement possible les sanctions prises par le Conseil de l'Union européenne à
l'égard de médias étrangers. Après un réveil brutal, les pouvoirs publics français
comme européens ont donc pris conscience du danger.
Baptiste Charvin
Attaché temporaire d'enseignement et de recherche et doctorant
Université Paris 2 Panthéon-Assas,
Centre de droit public comparé (CDPC - EA 7320)
(23) Roujou de Boubée P., « La compétence de la France en matière de police internationale
de l'audiovisuel », AJDA 2023, p. 908.
(24) CEDH, 5 avr. 2022, n° 28470/12, NIT S.R.L. c/ République de Moldova, § 182.
(25) Les services de médias audiovisuels à la demande sont les services qui permettent
de visionner par tout moyen, de façon payante ou gratuite, du contenu à partir
d'un catalogue de créations fourni à cet effet. Netflix, par exemple, en est un.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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