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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
I. - L'indépendance fondée sur les ressources financières
La récente suppression de la redevance fait fi de la filiation ontologique
entre redevance et service publics (A). Cette inadvertance paraît d'autant plus
dommageable que les modalités de financement substitutives restent placées
sous le signe de l'incertitude et de l'aléatoire (B).
A. - La filiation ontologique entre redevance et service public
Historiquement, le statut de monopole public de l'audiovisuel précéda toute
référence explicite à la notion de service public (19). Celle-ci était encore
absente des premiers textes de 1923 concernant la radio publique et ne se
manifeste que 10 ans plus tard, en particulier dans deux décrets du 10 août et
du 22 novembre 1933 (20), qualification retenue concomitamment à la création
de la redevance, précisément conçue pour affranchir les stations publiques
des contraintes du marché, et permettant l'édification d'un émetteur de forte
puissance visant à répondre, dans la continuité, à un besoin social en termes
d'égalité d'accès sur l'ensemble du territoire. Critères classiques du régime
des services publics.
Lorsque, plusieurs décennies plus tard, le 8 janvier 2008, le Président
Sarkozy se prononce pour la suppression de la publicité sur les chaînes
publiques, il le fait en invoquant la nature spécifique du service public dont
l'antinomie potentielle avec la publicité n'a guère besoin d'être explicitée
(21). La suppression de la ressource publicitaire aurait dû, logiquement,
se traduire par une augmentation corrélative de la redevance. Conséquence
d'autant plus justifiable que le montant de la redevance en France était l'un
des plus bas d'Europe : 116 € par an contre une moyenne en Europe de 161 €
(204 en Allemagne, 195 en Grande-Bretagne). Constat éclairant, de manière
plus globale, le sous-financement français (dont les traits perdurent) : les ressources
de France Télévisions s'élevaient à 2,9 milliards d'euros, soit moins
de la moitié de ses homologues allemands et britanniques. Alors que dans ces
grands pays, la redevance reste toujours le socle du financement de l'audiovisuel
public, la redevance n'a pas été augmentée lors de la suppression d'une
partie substantielle des ressources publicitaires, et elle a donc récemment été
(19) Cf. not. Regourd S. Droit de la communication audiovisuelle, 2001, PUF.
(20) JO 13 août, p. 8780 et JO 22 nov., p. 11691.
(21) Qu'il suffise de rappeler les illustrations, presque outrancières, de P. Le Lay,
alors patron de TF1 (« Pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau
du téléspectateur soit disponible [...] Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible
[...] Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau disponible »,
in Les dirigeants face au changement, 2004, Éd. du Huitième jour) ou du célèbre publicitaire
J. Séguéla (« Nous ne sommes pas là pour offrir des spectacles à un public, mais
pour vendre des publics à des annonceurs », La publicité, 1999, Éd. de Milan).
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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