Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 59

DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
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supprimée en application d'une politique de baisse de la pression fiscale,
arguant complémentairement d'une explication technique liée à la suppression
de la taxe d'habitation avec laquelle elle était perçue.
La question est alors celle des modalités de financement substitutives. Elle
se pose d'autant plus qu'elle intervient dans un contexte peu favorable au
financement de l'audiovisuel public : d'une part, la compensation de la perte
des ressources publicitaires, sous-évaluée en 2009 (22), a connu un processus
de décroissance pour finalement disparaître au 1er
janvier 2019 ; d'autre part,
à compter de 2018, a été mise en œuvre une trajectoire d'économies évaluée
à 190 millions d'euros jusqu'en 2022, soit 6 % de baisse, et se traduisant par
un plan social de près de 1 500 emplois à temps plein. Ce montant de financement
de l'audiovisuel public est ainsi, déjà, l'un des plus faibles d'Europe,
représentant 0,16 % du PIB, soit 62 € par habitant, contre 115 en Allemagne
et 130 en Grande-Bretagne (23).
Or, aussi étonnant que cela puisse paraître - mais, hélas, en filiation directe
avec les malédictions précédemment évoquées -, la suppression de la redevance
- ou contribution à l'audiovisuel public - a été actée sans, qu'à ce
stade, aucune claire solution de substitution n'ait été acquise, plaçant l'audiovisuel
public, une nouvelle fois, sous le signe de l'incertitude et des aléas.
B. - Incertitude et aléas d'un financement substitutif à la redevance
Saisi de la loi de finances rectificative pour 2022 procédant à la suppression
de ladite contribution à l'audiovisuel public, le Conseil constitutionnel
écarte l'argument selon lequel l'audiovisuel public devrait nécessairement être
financé par une redevance (24). Il admet, certes, que cette suppression est
susceptible « d'affecter la garantie des ressources du secteur de l'audiovisuel
public qui constitue un élément de son indépendance », mais il raisonne alors
sur le seul critère du « montant de ces recettes » dont il incombe au législateur
de les fixer de telle sorte que les organismes concernés « soient à même
d'exercer les missions de service public qui leur sont confiées », sans privilégier
une modalité particulière de financement de nature à garantir ce montant.
La solution du financement par le budget général de l'État, initialement
évoquée par les initiateurs de la réforme, a été, à bon droit, récusée dans le
cadre d'un large consensus politique (25) considérant que seule une fiscalité
affectée répondait aux exigences de l'indépendance. Le financement par le
(22) Somme évaluée à 833 millions d'euros, soit 30 % du budget, par la plupart des
observateurs, mais ramenée après divers jeux d'écriture comptable à 415 millions.
(23) Chiffres relevés dans le rapport d'information de l'Assemblée nationale précité.
(24) Cons. const., 12 août 2022, n° 2022-842 DC. Les requérants invoquaient notamment
un principe fondamental reconnu par les lois de la République découlant de la loi
du 31 mai 1933 (précédant les deux décrets de 1933 déjà mentionnés).
(25) À l'exception du Rassemblement national, favorable à une privatisation.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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