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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
budget général de l'État, outre qu'il amputerait le débat parlementaire sur le
montant de la recette déterminé par le seul gouvernement, priverait les médias
concernés de toute prévisibilité du fait même du principe de l'annualité budgétaire,
placé sous le strict contrôle du Conseil constitutionnel. Chaque année,
le montant de la dotation pour l'audiovisuel public pourrait ainsi être remis
en cause (26) alors que la nature même de la programmation et de la création
audiovisuelle relève d'une logique pluriannuelle. Le rapport de la Mission
d'information de l'Assemblée nationale précité souligne même que dans les
pays européens où la budgétisation a été substituée à la redevance ( Danemark,
Roumanie), le financement a subi une baisse moyenne de 9 %, alors qu'à l'inverse,
dans les pays ayant réformé leur redevance, une augmentation moyenne
de 14 % a prévalu.
Une autre critique majeure à l'encontre de la budgétisation est d'ordre politique
: elle est interprétée, notamment à l'international, comme synonyme de
contrôle par l'État, c'est-à-dire de média d'État substitué à un média de service
public, ce que d'aucuns ont pu qualifier de « risque réputationnel »...
La budgétisation étant écartée, la solution conjoncturelle retenue consiste
à affecter au compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel
public » (27) une fraction du produit de la TVA, jusqu'au 31 décembre
2024. Cette source de financement via la TVA présente, certes, quelques
vertus au regard de son fort rendement et de son prélèvement sur l'ensemble
des acteurs économiques, entreprises comme ménages (28). Elle alimente
le budget de l'État, mais aussi celui des organismes de protection sociale
et des collectivités territoriales, en compensation de la perte d'autres prélèvements.
Or, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation
de la gestion des finances publiques prévoit, précisément, que les
impositions en cause ne pourront être affectées qu'aux seuls bénéficiaires
précités (protection sociale et collectivités territoriales) sous la seule exception
d'organismes dont les missions de service public seraient en lien avec
ces impositions. Tel n'est pas le cas de l'audiovisuel public de telle sorte
(26) Les dotations budgétaires, complémentaires à la redevance, ont concrètement
traduit un tel risque : ainsi, par exemple, les crédits pour l'audiovisuel extérieur ont
connu une progression de 165 millions en 2005 à 296 millions en 2008 pour favoriser
l'émergence de France Médias Monde, mais ont décru dès 2009 pour disparaître en
2015. De la même manière, la dotation de compensation des pertes de recettes publicitaires
(à hauteur de 415 millions) a diminué dès 2013 pour disparaître au 1er
janvier
2019.
(27) Le compte de concours financier déroge au principe de non-affectation d'une
recette à une dépense spécifique ; il prend place dans la seconde partie de la loi de
finances, sous l'angle de crédits limitatifs.
(28) Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de février 2023 sur
la TVA évalue cette ressource à 180 milliards d'euros, en hausse de 7 % entre 2015
et 2021.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
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