Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 61

DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
1465
que, selon les prescriptions mêmes de ladite loi organique, cette source de
financement trouvera juridiquement son échéance au 31 décembre 2024. Il
ne s'agit donc que d'une solution transitoire, dont la pérennité ne peut être
assurée que par la voie d'une révision de la loi organique. C'est peu dire que
d'observer qu'il y a urgence, et qu'au regard à la fois des exigences procédurales
de l'adoption d'une loi organique et de l'état actuel des majorités
parlementaires dans chacune des deux assemblées, cette solution s'inscrit
sous le signe de l'incertain et de l'aléatoire.
D'autres pistes pourraient être évoquées, mais elles ne pourraient avoir de
portée que complémentaire, à l'aune de la taxe sur les services numériques
mise en place par la loi du 24 juillet 2019 et dont le rendement annuel de
670 millions d'euros pour 2023 reste très en deçà de celui de la redevance. Un
potentiel plus significatif pourrait résider dans une nouvelle répartition du partage
de la valeur et des mandats de commercialisation dans les relations entre
diffuseurs et producteurs, selon le modèle, par exemple, de la BBC, quant aux
ressources tirées des droits sur les œuvres produites (29).
Quant à la solution alternative d'asseoir le financement des médias publics
sur l'impôt sur le revenu (30) - qui, contrairement à la taxe d'habitation, ne
court aucun risque de suppression -, elle ne paraît guère en mesure de permettre
un consensus politique...
Mais l'indépendance des médias publics ne s'entend pas seulement en
termes de moyens financiers. Elle s'entend en termes proprement politiques
concernant les modalités de désignation de leurs dirigeants.
II. - L'indépendance découlant
des procédures de nomination
Ainsi que cela a été précédemment mentionné, le service public de l'audiovisuel
a connu en France une soumission au pouvoir politique, susceptible de
rechutes. Si une telle situation de dépendance doit, évidemment, être récusée
(A), les modalités actuelles de nomination des dirigeants par l'ARCOM ne
paraissent pas constituer la meilleure formule d'indépendance (B).
(29) Cette relation entre producteurs et diffuseurs a connu une évolution favorable
depuis l'accord professionnel intervenu avec France Télévisions le 9 juillet 2019 et
ouvrant la production propre à 17,5 % du total, représentant 75 millions d'euros ; ce
chiffre n'a pas bougé à la suite du décret du 30 décembre 2021 élargissant les investissements
dans la production propre à 33 % pour tous les diffuseurs. Le retour sur investissement
reste lui-même très en deçà des potentialités en termes dits de « partage de
la valeur » : pour la dernière période (2022), France Télévisions a investi 520 millions
d'euros en création et n'a reçu en retour que 10 millions d'euros.
(30) Solution proposée par les groupes de la NUPES en annexe du rapport d'information
de l'Assemblée nationale précité.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023

Table des matières de la publication Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023
