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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
Le droit commun des sociétés paraît exprimer cette même caractéristique
d'indépendance : leurs dirigeants sont désignés par leurs propres instances,
en principe leurs conseils d'administration, et non par une quelconque autorité
extérieure. Or, les médias publics ici en cause, pour l'essentiel France
Télévisions, Radio France ou France Médias Monde, sont bien constitués
dans le cadre formel des sociétés commerciales - sociétés anonymes à conseil
d'administration - même si elles relèvent d'un statut dérogatoire découlant
d'un actionnaire unique, l'État.
Cette caractéristique, inhérente aux missions de service public qui fondent
l'existence même de ces médias, implique conjointement que l'actionnariat en
cause ne saurait être appréhendé sur le terrain proprement capitalistique, mais
bien sur le terrain politique liant les missions de service public aux exigences
d'une représentation démocratique. Cela signifie clairement que la question
de la désignation des dirigeants des médias publics par leurs propres conseils
d'administration ne peut être pensée indépendamment de la composition pluraliste
de ces conseils d'administration.
Une diversité de considérations peut être prise en compte comme cela est
le cas dans les grands systèmes nationaux tels que la Grande-Bretagne ou
l'Allemagne. La complexité des systèmes découlant de facteurs historiques et
politiques spécifiques, tels que le fédéralisme dans le cas allemand, ne peut
être qu'évoquée ici, mais ils attestent de la possibilité de répondre conjointement
aux logiques juridiques et aux fondements politiques de l'indépendance
de l'audiovisuel public.
Cette question des modalités de désignation inclut celle de la révocation
éventuelle des dirigeants nommés (39). Les interrogations, ou suspicions, relatives
à l'indépendance dans le cadre des pouvoirs dévolus à l'autorité de régulation
peuvent y prendre un relief plus accusé. Tel fut le cas avec la révocation
par le CSA du PDG de Radio France, Mathieu Gallet, intervenue à la suite
d'une condamnation pénale pour favoritisme alors qu'il était à la tête de l'INA
entre 2010 et 2014 (40). Il n'était donc point remercié sur la base de « critères
de compétence et d'expérience » expressément visés par la loi, mais à la suite
du recours intenté devant le Conseil d'État, celui-ci a admis que le CSA pouvait
également se fonder sur d'« autres motifs d'intérêt général » (41). Parmi
les arguments au soutien de son recours était invoqué le défaut d'indépendance
de l'autorité de régulation à l'égard du pouvoir politique. La ministre
de la Culture - Françoise Nyssen - avait, en effet, jugé la situation de Mathieu
définir l'indépendance du producteur. Sur les relations entre diffuseurs et producteurs,
v. aussi supra, I, B.
(39) L. n° 86-1067, 30 sept. 1986, art. 47-4 et 47-5.
(40) L'INA, doté d'un statut d'établissement public, n'est pas pris en compte dans les
propos ci-dessus, même s'il peut être défini, depuis le contrat d'objectifs et de moyens
signé en 2021, comme un « média patrimonial ».
(41) CE, ass., 14 déc. 2018, n° 4199443.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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